Aide de l’Etat à la presse au Bénin : les faitières saluent la relance mais demandent plus

Africaho
10 min
Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication (HAAC)

Après près de dix années de suspension, l’aide de l’État à la presse privée revient avec une toute nouvelle orientation. Interrogés par Africaho, les responsables de faitières des médias béninois apprécient l’effort, mais soulignent la nécessité d’aller plus loin pour répondre aux réalités économiques du secteur.

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Aide à la presse privée : réactions contrastées des faitières

L’aide de l’Etat à la presse est désormais de retour au Bénin. Suspendue depuis presqu’une décennie, elle revient sous un nouveau format. La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) a annoncé, à l’issue des travaux de la deuxième session ordinaire de l’année 2025, tenue le mardi 30 septembre à Cotonou, que les fonds alloués, serviront plutôt à financer des formations pratiques au profit des journalistes. L’aide contribuera également à soutenir les associations professionnelles dans la prise en charge de certaines charges courantes. A cet effet, environ 115.000.000 de FCFA sont déjà mobilisés pour réhabiliter la Maison des Médias Thomas Megnanssan de Cotonou, selon l’organe de régulation. Dans le rang des journalistes et plus précisément des faitières, cette aide suscite satisfaction, mais également, des inquiétudes.

Contactée par Africaho, Zakiath Latoundji, présidente de l’Union des Professionnels des Médias du Bénin (UPMB), voit dans cette relance « une bouffée d’oxygène » pour le secteur. Elle salue notamment la réfection annoncée de la Maison des Médias, patrimoine commun en état de « délabrement » avancé. « C’est une très bonne chose, et personnellement, je me réjouis que cette initiative vienne du chef de l’État », a-t-elle confié, tout en espérant que les formations et l’appui aux associations puissent répondre aux attentes concrètes des professionnels.

De son côté, l’Observatoire de la Déontologie et de l’Éthique dans les Médias (ODEM), n’a pour l’instant, pas souhaité commenter cette décision. « Au niveau de l’ODEM, nous avons avons décidé de ne pas aborder ce sujet dans les médias pour l’instant », a martelé l’un des hauts responsables de l’association.

Nous estimons que l’essence même de cette aide doit rester le soutien direct aux entreprises de presse.

Barnabas Orou Kouman, Président de l’UNaMEL-Bénin

Satisfaction mitigée des faitières des médias en ligne

Sous secteur reconnu seulement en décembre 2023 par la HAAC, les médias en ligne apprécient diversement l’aide ainsi annoncée. Barnabas Orou Kouman, président de l’Union Nationale des Médias en Ligne du Bénin (UNaMEL-Bénin), contacté par notre rédaction, dit avoir pris « acte » de la présente aide et salue « toute initiative qui contribue à renforcer les capacités des professionnels et à améliorer les infrastructures du secteur ». Appréciant la nouvelle orientation de cette aide très attendue, il fait cependant, une nuance. « Nous estimons que l’essence même de cette aide doit rester le soutien direct aux entreprises de presse », a-t-il laissé entendre. Une posture partagée par Lorys Hounon, président du Regroupement des Professionnels des Médias Digitaux du Bénin (REPROMED-Bénin).

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Selon lui, l’aide de l’Etat à la presse « est pertinent mais reste partiel par rapport aux besoins réels du secteur ». Ce dernier a insisté sur les défis particuliers des médias numériques, confrontés à la viabilité économique et au plagiat de leurs contenus. « L’aide, telle qu’orientée, contribue à renforcer les capacités structurelles et institutionnelles, mais elle ne prend pas encore suffisamment en compte la question de la survie économique des organes de presse et de la compétitivité de leurs offres éditoriales sur un marché en mutation. Pendant que le législateur soumet les médias en lignes à des exigences inouïes pour exister, il faudrait aussi penser à notre survie. Le marché publicitaire étant ce qu’elle est dans notre pays, ajouté à la forte concurrence déloyale que subissent les médias en ligne dont les productions sont plagiées et même diffusées à grande échelle par les agrégateurs de contenus, la HAAC devrait trouver la formule pour apportée une bouffée d’oxygène aux médias », a ajouté Lorys Hounon.

Barnabas Orou Kouman rajoute pour sa part, que le soutien aux entreprises de presse doit rester au cœur du dispositif. « Dans un contexte marqué par des difficultés économiques et technologiques qui fragilisent particulièrement les médias privés, notamment en ligne, il est impératif que l’État accompagne les entreprises de presse dans leur croissance, leur viabilisation et leur adaptation aux mutations du secteur« , a-t-il insisté, estimant que seule une telle approche permettra aux médias de jouer pleinement leur rôle démocratique.

Il a, par ailleurs, plaidé pour un mécanisme équilibré qui se résume au « renforcement des compétences et des outils communs », mais aussi et surtout, à « un soutien financier direct permettant aux organes de presse de se développer, de créer de l’emploi et d’assurer une meilleure qualité de service au public ».

Réhabilitation, formations… mais quid du soutien direct aux entreprises ?

Le Repromed-Bénin a salué le volet formation inclut dans le nouveau format de l’aide de l’Etat à la presse béninoise : « Ces formations sont d’une importance capitale pour la ressource humaine des organes de presse. (…) Dans ce méli-mélo, il est très précieux d’avoir ces programmes de recyclage et de renforcement de capacités. », a précisé Lorys Hounon, président de l’association.

L’association n’a pas manqué de souligner les limites de la nouvelle formule de l’aide de l’Etat à la presse. Cette faitière des professionnels des médias officiant en ligne, a insisté sur la nécessité d’aller plus loin pour répondre aux réalités économiques du secteur. En effet, pour le président du REPROMED-Bénin, le nouveau format de l’aide de l’Etat à la presse, « est pertinent mais reste partiel par rapport aux besoins réels du secteur ». Lorys Hounon a aussi insisté sur les défis particuliers des médias numériques, confrontés à la viabilité économique et au plagiat de leurs contenus.

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L’UPMB appelle à inclure une couverture santé pour les journalistes dans l’aide de l’État

Pour la présidente de l’Union des Professionnels des Médias du Bénin (UPMB), Zakiath Latoundji, l’impact de l’aide sur les entreprises de presse viendra surtout des formations in situ : « si le journaliste est bien formé, ses productions sont au profit de l’organe ». Elle soulève également la question du bien-être des journalistes, regrettant l’absence de dispositifs liés à la mutuelle de santé dans la nouvelle formule de l’aide de l’Etat à la presse. « Toujours est-il que quand on fait le point aujourd’hui, il y en a plusieurs parmi nous qui sont passés de vie à trépas. Et il y en a d’autres qui sont dans une situation sanitaire très déplorable et qui sont obligés de lancer chaque fois des SOS, des appels à l’aide et à l’endroit du public à travers les réseaux sociaux. Ce n’est pas digne de ce noble métier que nous faisons », a-t-elle tristement laissé entendre.

Pour elle, une aide de l’État repensée devrait aussi intégrer ces réalités afin de mieux protéger les acteurs. « Comme on le dit, une mission, des hommes et des moyens. Mais ces hommes là, il faut qu’ils soient bien portants ».

Des recommandations adressées à la HAAC

Quatre recommandations ont été formulées par l’actuel président du REPROMED-BENIN, à l’endroit de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC). Lorys Hounon recommande à l’organe de régulation de la presse béninoise, l’élargissement du champ d’intervention de l’aide de l’Etat à la presse, en prévoyant un fonds d’appui à l’innovation numérique et à la transformation digitale des médias, notamment pour les pure players digitaux qui représentent une part importante du paysage médiatique.

Le patron du Repromed-Bénin plaide également pour la mise en place d’un mécanisme de cofinancement ou de crédits préférentiels permettant aux entreprises de presse d’investir dans les équipements, les logiciels et la production de contenus de qualité. Pour lui, il faudra aussi renforcer la gouvernance et l’équité dans la gestion de l’aide, en associant davantage les associations professionnelles, au suivi-évaluation de son utilisation afin de garantir une répartition transparente et un impact mesurable sur l’amélioration des pratiques journalistiques et la durabilité des médias.

Pour finir, il a, souhaité l’opérationnalisation du Fonds d’Appui au Développement des Médias pour des financements conséquents au profit du secteur des médias.

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