Instituteur de formation, Paul Hounkpè a véritablement posé ses valises en politique en 2008 où il est élu maire de Bopa, avant d’intégrer le gouvernement de Boni Yayi en 2015 comme ministre de la culture. Prenant ensuite le secrétariat général de la Force Cauris pour un Bénin Emergent, parti autrefois dirigé par le prédécesseur de Patrice Talon, il en devient en septembre 2019, le Secrétaire exécutif national dans un tumulte qui va pousser Yayi à lui laisser le parti. Longtemps accusé d’être une simple “marionnette” du pouvoir sous Patrice Talon, il revient une fois encore sur le devant de la scène, dans un face-à-face inattendu avec Romuald Wadagni, candidat désigné de la majorité à la présidentielle du 12 avril 2026 au Bénin.
Présidentielle 2026 au Bénin : le duel Wadagni-Hounkpè attendu dans les urnes
Critiques, soupçons, invectives, etc. voilà le chapelet que Paul Hounkpè a égrené au sein de l’opinion publique depuis le départ de Boni Yayi de la FCBE en avril 2020. Alors que les forces en opposition à la gouvernance de Patrice Talon ont préféré la confrontation frontale, lui, a souvent opté pour la voie du dialogue, parfois et souvent au prix de son image. Contrairement à Boni Yayi, aujourd’hui, premier responsable du parti Les Démocrates, Apollinaire Avognon de la NFN, Expérience Tèbè du MPL et Candide Azannaï du parti Restaurer l’Espoir qui pour sa part, se réclame, non de l’opposition radicale mais de la résistance nationale, le numéro 1 de la FCBE lui semble bien animer une opposition constructive.
Une posture qui n’a d’ailleurs été jamais comprise, mais qui lui a cependant permis de participer à presque toutes les élections organisées sous le régime Talon et même de porter pour la première fois dans l’histoire politique du Bénin, le titre de Chef de file de l’opposition. De la malice ou de la lecture politique avisée ?
D’aucuns diront que c’est le fruit de l’observance des nouvelles exigences fixées dans la réforme de la Charte des partis politiques adoptée par le parlement en novembre 2019. Pour d’autres par contre, la participation de la FCBE à ces différents scrutins relève de la soumission à Patrice Talon ou mieux encore, à des « accords souterrains » conclus avec le pouvoir du président élu en 2016 puis réélu en 2021 pour un second mandat au Bénin.
D’ailleurs, après son départ du parti, Boni Yayi n’est pas allé du dos de la cuillère. « FCBE est désormais bel et bien un pôle politique du président Talon », a avancé dimanche 5 avril 2020 dans une longue note publiée sur sa page Facebook, le transfuge des Forces de cauris pour un Bénin émergent qui ajoute qu’il ne saurait militer « au sein d’un parti qui a été confisqué en raison de son engagement pour le retour de l’État de droit et de la démocratie ».
Paul Hounkpè, debout comme le phallus du lègba
À l’opposé de certains acteurs politiques connus comme très réfractaires aux critiques voire même aux insultes, Paul Hounkpè, lui, n’a rien laissé altérer son objectif ni sa vision. Sous cette pluie de critiques, il fait participer en 2020, son parti aux élections communales et parvient même à obtenir 7 mairies sur les 77 que compte le Bénin.
Un an plus tard, il valide en tant que colistier d’Alassane Soumanou, sa candidature à l’élection présidentielle et s’en sort aux côtés de ce dernier avec un suffrage exprimé à 11,29% selon les résultats proclamés par la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA). En avril 2021, il est officiellement reconnu comme chef de file de l’opposition par l’exécutif.
Aujourd’hui, alors que rien ne présageait véritablement sa candidature, le « tombeur » de Boni Yayi au sein de la FCBE refait encore surface, et comment ? De la plus inattendue des manières. En effet, éliminé de la course à la succession de Patrice Talon par une décision de la Cour constitutionnelle en date du 27 octobre 2025, le parti Les Démocrates a vu ses rêves à la présidentielle se briser définitivement. Et pour raison, l’absence d’un seul parrainage – celui du député Michel Sodjinou – dans le dossier déposé le mardi 14 octobre dernier à la CENA.
Conséquence directe, Renaud Agbodjo, candidat du principal parti d’opposition Les Démocrates ne participera pas au scrutin que son parti a pourtant longtemps attendu. Paul Hounkpè, devient alors le seul candidat retenu par l’institution pour face à Romuald Wadagni, homme de confiance du président sortant, et jocker d’une majorité présidentielle portée par au moins cinq formations politiques régulièrement enregistrées et très actives au Bénin.
Nous n’avons pas les mêmes méthodes de lutte. En hommes politiques intelligents, ils devraient aujourd’hui faire le bilan de leurs méthodes. Sont-elles appropriées ou pas ? L’erreur est humaine, tout le monde peut se tromper. Nous leur tendons la main.
Paul Hounkpè
Une leçon de real politik sûrement !
Pour beaucoup, ce duel inattendu résonne comme une revanche personnelle. Paul Hounkpè, jadis décrié pour sa proximité supposée avec le pouvoir, prouve qu’il a su lire le jeu politique mieux que certains de ses compères, tant qu’ils se réclament tous de l’opposition. Dans une interview à Jeune Afrique, le 9 mai 2021, il a répliqué à ses détracteurs.
En effet, interrogé par le média panafricain sur les accusations de Boni Yayi qui lui reprochait à l’époque, une ligne «pro-Talon», il a lâché une réponse ironique. « Ils nous ont reproché d’avoir accepté le récépissé [donnant droit à une reconnaissance légale du parti, NDLR] et ont fini par accepter le leur avant la présidentielle… », avait-il lâché.
L’histoire retiendra peut-être que Paul Hounkpè, sans moyens colossaux ni fort moyen de pression, aura su s’imposer dans un environnement politique où les regards communs le voyaient en simple figurant. Contre toute attente, le challenger de Romuald Wadagni aura sans doute prouvé que dans la politique béninoise contemporaine, la constance, la patience et la lecture fine du contexte peuvent encore créer des surprises.
