Au Sénégal, une centaine de militantes issues d’une vingtaine d’organisations féministes ont invité le législateur à reconnaître officiellement les féminicides comme étant crimes et à engager une révision en profondeur du Code de la famille. Dans une tribune rendue publique vendredi 26 décembre, les signataires affirment avoir recensé au moins 17 féminicides en 2025.
Féminicides au Sénégal : au moins 17 cas enregistrés en 2025, l’appel à une révision du Code de la famille
Des militantes sénégalaises interpellent l’Etat sur le cadre juridique des féminicides dans le pays. Pour ces organisations, les meurtres de femmes dans le cadre domestique ne relèvent ni du fait divers ni du drame conjugal. Dans un tribune citée par RFI, ces militantes réunies au sein d’une vingtaine d’organisations indiquent que ces crimes constituent, selon elles, l’expression d’une violence structurelle et persistante à l’encontre des femmes. Car, ajoute elle, cela engage la responsabilité de l’État mais aussi celle de l’ensemble de la société.
Plusieurs affaires récentes ravivent en effet leur indignation. Le 20 décembre dernier, en banlieue dakaroise par exemple, Bintou Gueye a été tuée par balle par son époux à l’issue d’une dispute. Quelques mois plus tôt, en août, Mariama Ba a perdu la vie en Casamance, frappée à coups de hache par son mari pour un repas jugé tardif. Des drames qui, selon les militantes, se répètent à un rythme alarmant.
Les médias sont également interpellés. Les signataires de la tribune les exhortent à nommer clairement ces violences et à cesser de les banaliser. Pour Suzanne Sy, coéditrice du texte et membre du Front pour une révolution anti-impérialiste, populaire et panafricaine (FRAPP), la responsabilité est aussi culturelle. « Je peux donner juste des exemples. Il y a une série – je ne nommerai pas la série – où une femme a été battue par son mari jusqu’à perdre son enfant. Elle a porté plainte. La famille s’est réunie et a demandé pardon. Elle a retiré la plainte et la vie continue. Ce qui me fait très, très mal, c’est que dans les séries sénégalaises, quand ils veulent dénoncer des situations, ils savent le faire. »
L’appel des ONGs à une révision du Code de la famille, jugé discriminatoire
Au cœur des revendications figure principalement la réforme du Code de la famille, jugé inadapté et discriminatoire. Les militantes estiment à cet effet, que le cadre juridique actuel maintient les femmes dans des situations de vulnérabilité, en consacrant notamment l’homme comme chef de foyer et en limitant les possibilités de recours pour les victimes de violences.
C’est d’ailleurs ce qu’évoque Adama Pouye, Coordinatrice du collectif des féministes du Sénégal. « Par exemple, dans le Code de la famille sénégalaise, la violence conjugale ne figure pas parmi les causes du divorce. Une femme ne peut pas quitter son foyer parce qu’elle est victime de violences conjugales. Si elle le fait, c’est abandon du domicile. C’est inégalitaire et surtout, c’est insécurisant pour ces femmes-là », déclare-t-elle.
À travers cette tribune, les organisations demandent que le féminicide soit clairement défini et sanctionné comme un crime spécifique. Elles estiment qu’une telle reconnaissance juridique constitue un préalable indispensable pour lutter efficacement contre les violences faites aux femmes et prévenir de nouveaux drames.
