La collaboration entre les mairies et les cadres désignés par tirage au sort pour conduire l’administration et gérer les ressources communales semble davantage difficile à cerner. La réforme initiée par le gouvernement de Chef de l’Etat béninois Patrice Talon dans le secteur de la gouvernance locale interpelle plus d’un au regard de tout ce qu’on enregistre depuis quelque temps dans les communes du Bénin. Entre le ballet de démissions observé dans le rang des Secrétaires Exécutifs, les dénonciations qu’ils ont formulées à l’endroit des autorités préfectorales, les raisons qui fondent les départs déjà enregistrés et les témoignages faits tout particulièrement par Marie Roméo Mèhinto, décédée le jeudi 14 décembre dernier des suites d’un accident de circulation, il convient de s’interroger.
En effet, anciennement en service à la mairie de Cotonou, la regrettée Secrétaire Exécutive de la mairie de Bantè a quitté ce monde dans des conditions de travail visiblement tendues avec ses collaborateurs. Selon un témoignage audio cité par plusieurs médias et parvenu à Africaho, Marie Roméo Mèhinto a elle-même fait un récit où les maîtres-mots étaient : malversation, d’intimidation et harcèlement. Au Bénin où le spirituel est très présent, même s’il n’est pas reconnu dans les cours et tribunaux, on a tôt fait de ne pas trouver naturel la mort d’une personne en conflit avec des collaborateurs. Mais légitimement ou non, le cas de cette Secrétaire Exécutive semble bien établir les suspicions.
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Un dossier de malversation dénoncée par la défunte
Selon Matin Libre, Marie Roméo Mèhinto a attiré l’attention de l’opinion sur un gap de 100 millions de francs à la mairie de Bantè. Une situation par ailleurs, portée devant la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme promptitude de l’Association de développement de la Commune de Bantè et qui en dépit de la poursuite des enquêtes n’a pas encore été élucidé jusqu’à ce jour dans le budget.
Le média cite une correspondance en date du 20 juin 2023 dans laquelle la Coopération belge faisait remarquer à l’attention de l’actuel maire de Bantè et à l’attention de la SE ceci: » Le second sujet nous préoccupant concerne la phase 2017-2021 du Programme au cours duquel a été acquis au bénéfice de la Mairie de Bantè un important et coûteux système d’approvisionnement énergétique photovoltaïque auprès de la société Bpc. Nous ne cachons pas notre surprise lorsque nous avons appris récemment et par hasard que ce système acquis en 2021, déjà, n’était toujours pas installé ».
Dans le même courrier, la coopération relève qu’elle ne pourra « envisager un quelconque autre financement pour la commune dans le cadre du programme, tant que la situation n’a pas été éclaircie et l’installation rendue fonctionnelle ». La Cellule de suivi et de contrôle de la gestion des communes (Cscgc) a été saisie et est intervenue pour clarifier les cas de conflits d’attribution. Son coordonnateur, en une note, a fait des recommandations et mettant en quelque sorte le maire en demeure : « Des dysfonctionnements ont été également observés relativement à la gestion des ressources matérielles et financières de la commune, à la mobilisation des ressources propres et au respect des délais prescrits pour l’élaboration du budget.
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La pomme de discorde
«Dans les conditions de travail hostiles que délétères qui sont les miennes à la mairie de Toucountouna, notamment les menaces, harcèlements, violations de l’intimité, non acceptation de la gent féminine en responsabilité, depuis mon installation le 25 avril 2022 (18 mois d’exercice jour pour jour), je ne pourrai poursuivre la mission que j’ai acceptée loyalement et sans état d’âme de venir assumer à Toucountouna (…) », avait écrit dans sa lettre de démission en date du 14 avril dernier, Sidonie Houndonougbo, précédemment secrétaire exécutive de la mairie de Toucountouna.
Mais avant elle, le secrétaire exécutif de la mairie d’Abomey, Serge M. Loukpé avait rendu sa démission pour des raisons, dit-il de « convenance personnelle ». Mais on se rappelle que le torchon avait brûlé entre ce secrétaire démissionnaire et le maire d’Abomey Antoine Djèdou. C’est aussi le cas de Jocelyne Agbéssi Djossou, la secrétaire exécutive de la commune de Boukoumbé qui a déposé sa démission seulement trois mois après sa prise de fonction pour des raisons familiales. Sans oublier le SE de la commune de Ouidah et d’autres qui ont été suspendus par leurs maires respectifs pour des raisons de conflits d’attribution.
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Ce que dit la loi
Dans ce méli-mélo, les raisons généralement évoquées par les SE démissionnaires font appel à une difficile collaboration entre les élus communaux et les cadres nommés pour diriger l’administration locale. Ce qui pourrait établir l’ambiguïté dans la loi 2021-14 du 20 décembre 2021 portant code de l’administration territorial en république du Bénin, qui, en ses articles 60, 94, 105, 106, 107 et 132 ne clarifie pas très bien les attributions du maire et du secrétaire exécutif.
En effet, la présente disposition de la loi stipule que le maire est la première autorité politico-administrative de la commune, et le secrétaire exécutif, la première autorité administrative et technique de la même collectivité territoriale. Est-ce ce qui oppose les maires aux Secrétaires exécutifs dans les mairies ? Il s’avère face à ce tableau de repenser la réforme sur la décentralisation en vue d’une meilleure gestion des communes, gage du développement local.