Au Bénin, l’Assemblée nationale a procédé mardi 13 juin 2023 à la désignation de ses représentants dans les parlements régionaux et institutions nationales. Les députés du parti “Les Démocrates”, formation politique représentant l’opposition au sein de la neuvième législature, rejetant les rapports de la commission des discussions qui ont précédé la désignation, n’ont pas désigné leurs représentants pour occuper le seul siège qui leur est dévolu selon la clé de répartition. Au terme de la session, le député Habibou Woroucoubou a porté la voix de ses collègues “démocrates” à travers une déclaration qui expose une série d’exclusions que le parti a subies depuis l’installation de la mandature.
DÉCLARATION À LA TRIBUNE DU GROUPE PARLEMENTAIRE LES DÉMOCRATES
Monsieur le Président,
Chers collègues,
Le jeudi 13 avril 2023, ont eu lieu, l’ouverture de la première session ordinaire de cette année et l’investiture du Président de l’Assemblée nationale, pour le compte de la 9ème législature. Ces deux cérémonies ont connu la présence effective des députés du parti « LES DEMOCRATES ».
Dans son adresse, le Président de l’Assemblée Nationale a fait la promesse de diriger cette législature de transition avec équité en impliquant toutes les sensibilités politiques. Nous relevons que cette déclaration, qui fait office d’intention de bonne foi, vient en contradiction avec la manière dont les activités au sein du parlement sont menées depuis l’installation de la législature jusqu’à ce jour.
Le constat est clair que depuis l’installation de la 9ème législature, tout est mis en branle pour clochardiser la seule et unique minorité parlementaire que représentent les élus du parti LES DEMOCRATES. Nous n’en voulons pour preuve que le mode usité pour procéder à la réinstallation des membres des commissions permanentes après décision de la cour constitutionnelle. Aussi, déplorons-nous le processus ayant conduit à la désignation et à l’installation des membres de la 7ème mandature de la cour constitutionnelle.
En effet, pour une réunion du bureau de l’Assemblée Nationale prévue pour se tenir le lundi 22 mai 2023 à 13 heures, ce n’est que le même jour à 10 heures que le cabinet du deuxième vice-président représentant de la minorité au sein de ce bureau, reçoit la lettre d’invitation. Cette manœuvre n’est rien d’autre qu’une ruse visant à empêcher la candidature de la minorité. Sinon comment comprendre que le bureau de l’Assemblée Nationale qui connaît la situation sanitaire de l’honorable AHOSSI, puisse malheureusement en profiter pour procéder à des désignations qui ne tiennent aucunement compte de sa présence au sein du bureau de l’Assemblée Nationale.
Monsieur le Président,
Chers collègues,
La conséquence de cette désignation exclusive en est que le mardi 6 juin 2023, le peuple béninois a assisté, tout stupéfait, à l’installation au palais de la présidence, de la nouvelle cour constitutionnelle en présence du Chef de l’Etat et du bureau de l’Assemblée Nationale. Cette installation a eu lieu malgré la vive protestation levée par le parti LES DEMOCRATES, à travers son point de presse organisé le vendredi 26 mai 2023 à Cotonou relativement à la supposée désignation des nouveaux membres de la cour constitutionnelle. Ce point de presse avait dénoncé la méthode et la démarche cavalière qui ont conduit à la désignation des quatre (4) personnalités devant siéger à la cour pour le compte du bureau de l’Assemblée Nationale.
Cette situation consacre l’exclusion pure et simple du parti LES DEMOCRATES et de l’opposition toute entière à la désignation des 4 membres de la cour constitutionnelle représentant l’Assemblée Nationale et par conséquent à la 7ème mandature de la cour constitutionnelle. Or la cour constitutionnelle est l’institution juridictionnelle de régulation du fonctionnement des pouvoirs publics, de contrôle de constitutionnalité des textes juridiques, de protection des droits de l’Homme et des libertés publiques et aussi chargée de la gestion du contentieux électoral en matière d’élections présidentielle et législative. Dans ce contexte, la Cour constitutionnelle apparait comme un maillon indispensable dans un Etat de droit et de démocratie. Il est donc inacceptable d’exclure dans le processus de désignation de ses membres, un acteur politique majeur qu’est l’opposition fut-elle minoritaire. C’est pourquoi les arbitres ou juges de l’institution, encore appelés sages, doivent provenir de milieux professionnels donnés pouvant leur garantir une certaine indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics.
Également, le choix de nos représentants dans les parlements régionaux et autres institutions de l’Etat n’a-t-il pas dérogé à l’appétit glouton de nos camarades de la majorité. Il faut toujours retourner à la manipulation à la faveur de la majorité mécanique pour dire le contraire de ce qu’on a soutenu la veille, l’essentiel est d’obtenir ce qu’on désire : les postes.
Toutes cette cavalerie politique conduit à un cadre institutionnel qui, si rien n’est fait, mènera inexorablement notre pays, le Bénin à des élections générales de 2026 non transparentes et sans crédibilité. Les caractéristiques de ce cadre institutionnel sont les suivantes :
° la cour constitutionnelle : contrôlée à 100% par le président Patrice Talon et ses deux partis siamois ;
° la CENA : contrôlée à 100% par le président Patrice Talon et ses deux partis siamois ;
° l’ANIP : organe chargé de la confection de la liste électorale est également contrôlée à 100% par le Président Patrice Talon. Je vous rappelle qu’à la tête de cette agence est nommé un Rwandais à des fins que nous continuons d’ignorer.
A y voir de plus près, ce cadre institutionnel viole totalement le protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance qui dispose en son article 3 que « les organes chargés des élections doivent être indépendants et/ou neutres et avoir la confiance des acteurs et protagonistes de la vie politique. En cas de nécessité, une concertation appropriée doit déterminer la nature et la forme desdits organes ». Mieux, l’article 5 du même protocole dispose que « les listes électorales seront établies de manière transparente et fiable avec la participation des partis politiques et les électeurs qui peuvent les consulter en tant que besoin ». Il faut rappeler que ces instruments juridiques sous-régionaux ratifiés par notre gouvernement, sont au-dessus de nos lois nationales.
Au regard de tout ce qui précède, on peut affirmer sans risque de nous tromper, que toutes les réformes opérées ayant conduit à la mise en place du cadre institutionnel (cour constitutionnelle, CENA, ANIP) pour le compte des élections générales de 2026 sont des manœuvres dolosives parce que contraire au Protocole de la CEDEAO qui oblige les Etats membres à instituer des organes paritaires chargés de la gestion des élections.
Monsieur le Président,
Chers collègues,
Nous voici à nouveau devant le fait accompli qu’on veut nous imposer. Nous voici en présence de nouvelles velléités de hold-up électoral. Le principe est désormais connu. Seul le peuple est souverain et c’est à lui de désigner par la voie des urnes ses dirigeants et/ou ses représentants. Vu le cadre institutionnel tel que présenté, nous voulons, du haut de cette tribune, prendre à témoin le peuple béninois et la communauté internationale de ce que, bien que représenté par 28 députés à l’Assemblée Nationale, le parti LES DEMOCRATES a été exclu du processus de désignation des 4 personnalités devant siéger à la cour.
A cette étape de mon intervention, je voudrais appeler les collègues, à produire des connaissances au travers des lois que nous votons ici à l’Assemblée Nationale plutôt que de ruser avec les lois. Les productions sont utiles aussi bien pour les générations actuelles que celles à venir. Par contre la ruse ne peut générer que des situations controversées voire conflictuelles aussi bien pour maintenant que pour l’avenir. Selon Jean Cocteau « Il ne faut pas confondre la vérité avec l’opinion de la majorité ». La vérité est unique, il vaut mieux la rechercher pour avancer plutôt que de chercher à la contourner et faire du sur-place.
Aucune démocratie moderne ne fonctionne sur la base du système de la jungle : je suis plus fort, je fais ce qui me plait.
Monsieur le Président,
Chers collègues,
Aucune démocratie moderne ne fonctionne sur la base du système de la jungle : je suis plus fort, je fais ce qui me plait.
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Vous serez le seul dont le nom sera retenu comme pourfendeur de la démocratie et ayant favorisé une jurisprudence qui réduit la minorité à sa plus simple expression.
Avant de prendre congé de vous, je voudrais partager avec vous cette citation de Nelson Mandela « que vos choix reflètent vos espoirs et pas vos peur ».
Je vous remercie.