À l’issue d’une session extraordinaire, l’Association des Jeunes Avocats du Niger (AJAN) a publié une déclaration dénonçant les dérives contenues dans la nouvelle mouture de la loi sur la cybercriminalité. L’association appelle à une révision urgente de cette législation qu’elle juge incompatible avec les engagements internationaux du Niger et les principes proclamés par la transition.
Les jeunes avocats du Niger dénoncent une législation liberticide sous couvert de lutte contre la cybercriminalité dans leur pays. Adoptée en 2019, la loi sur la cybercriminalité visait initialement à encadrer l’usage des technologies numériques et à lutter contre les abus commis en ligne. Toutefois, sa récente modification par l’ordonnance n° 2024-28 du 7 juin 2024 introduit des sanctions d’une sévérité jugée excessive par les jeunes avocats.
Désormais, les délits d’injure, de diffamation ou de diffusion de contenus en ligne susceptibles de troubler l’ordre public sont punis de lourdes peines de prison ferme, sans que le juge puisse accorder de circonstances atténuantes. Ces peines peuvent aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement, même lorsque les faits rapportés sont avérés.
Un arsenal juridique répressif selon l’AJAN
Pour l’Association des Jeunes Avocats du Niger, dirigée par Me Ali Boubacar, cette évolution constitue un net recul par rapport à la réforme de 2022, qui avait pourtant cherché à aligner le droit nigérien sur les standards internationaux, en privilégiant les peines d’amende pour préserver la liberté d’expression. Dans une déclaration parvenue à Africaho, l’association indique que la révision actuelle contredit non seulement les engagements du Niger en matière de droits de l’homme, mais aussi les promesses formulées par les autorités de transition elles-mêmes dans leur déclaration du 26 juillet 2023.
Me Boubacar Ali, président de l’AJAN, rappelle que la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, garantissent à chaque individu le droit d’exprimer librement ses opinions. Cette liberté, martèle-t-il, ne saurait être restreinte qu’à des conditions strictes, pour des raisons légitimes, et de manière proportionnée.
« Dans leur déclaration de prise de pouvoir, les autorités de transition avaient promis de respecter les libertés individuelles. Mais aujourd’hui, force est de constater que la liberté d’expression est la première victime de la refondation », déplore en effet, la déclaration consultée par Africaho.
L’appel à une « révision immédiate de la loi » sur la cybercriminalité
Depuis l’entrée en vigueur de la version modifiée de la loi, les cas de poursuites judiciaires et de condamnations se sont multipliés, souvent à l’encontre de simples citoyens, de journalistes ou d’activistes exprimant des opinions critiques vis-à-vis des autorités. Cette situation alimente les craintes d’un usage politique de la loi, transformant un outil de régulation en instrument de répression.
Dans un contexte de transition où les institutions sont fragilisées, l’AJAN rappelle que les régimes d’exception ne doivent en aucun cas devenir le prétexte à un affaiblissement des droits humains. Bien au contraire, ces périodes devraient poser les fondations d’un véritable État de droit, respectueux des libertés individuelles et collectives.
L’association en appelle à une révision immédiate de la loi sur la cybercriminalité, afin de rétablir l’équilibre entre sécurité et liberté, entre ordre public et pluralisme démocratique. Elle réaffirme son rôle de vigie juridique et rappelle que, face à l’arbitraire, « la robe restera debout pour le droit, pour la justice et les libertés ».
Au Niger, le pouvoir militaire sous la présidence du général Abdourahamane Tiani dirige d’une main de fer le pays depuis le renversement de Mohamed Bazoum. Le Conseil national pour la sauvegarde de la partie dit vouloir restaurer la dignité du pays et s’affranchir des exigences néocolonialistes. Plusieurs arrestations ont alors été opérées pour dit-on, faire cesser l’impunité et promouvoir la bonne gouvernance.