Les banques ivoiriennes ont triplé en l’espace d’un an, leurs achats de dette sénégalaise pour atteindre près de 1 800 milliards de francs CFA, soit 2,7 milliards d’euros selon l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P). Le Sénégal peut ainsi compter sur la Côte d’Ivoire pour un soutien dans cette situation financière critique.
Marché obligatoire UEMOA : les banques ivoiriennes injectent 1 800 milliards FCFA au Sénégal
La situation financière du Sénégal continue de se tendre, mais le pays peut compter sur un renfort massif venu de la Côte d’Ivoire. Les banques ivoiriennes détiennent désormais 42 % des obligations publiques du pays, un niveau inédit qui intervient au moment où l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) a abaissé la note souveraine du Sénégal de B- à CCC+.
Si cette mobilisation venue de la Côte d’Ivoire redonne du souffle à l’économie sénégalaise, la montée en puissance soulève deux interrogations majeures au sein de l’opinion publique. Que change cette situation pour Dakar, et quels risques prennent les établissements ivoiriens ?
Plusieurs experts ivoiriens ont répondu à la question, jugeant ainsi que c’est un pari jugé rentable pour le pays dirigé par Bassirou Diomaye Faye. Selon Standard & Poor’s, cette présence accrue des banques ivoiriennes n’est pas nécessairement synonyme de prise de risque incontrôlée. Un ancien cadre bancaire ivoirien, interrogé par RFI, estime même que la période actuelle constitue un moment stratégique pour investir. « C’est pendant les difficultés qu’il faut investir. À moyen terme, cela sera rentable. », a-t-il confié au média français. Pour lui, les banques ivoiriennes disposent d’une surface financière suffisante et ne sont pas particulièrement exposées à un éventuel défaut sénégalais.
De son côté, l’économiste Ousmane Diomandé rappelle que Dakar a proposé ces derniers mois des taux d’intérêt exceptionnellement attractifs, attirant mécaniquement les institutions financières régionales. Cette stratégie renforce, selon lui, la position dominante des banques ivoiriennes au sein de l’UEMOA, où elles jouent un rôle de plus en plus central. « La souscription des banques de la sous-région a permis au Sénégal d’obtenir les financements nécessaires. Sans elles, la situation serait bien plus délicate », souligne-t-il.
La lecture de Standard & Poor’s
Standard & Poor’s nuance toutefois cet engouement. Les banques ivoiriennes agissent fréquemment comme intermédiaires pour des investisseurs internationaux, notamment des fonds ou institutions qui souhaitent se positionner sur les titres publics de la zone UEMOA tout en passant par des établissements locaux bien implantés.
En réalité, ces banques absorbent les volumes à l’émission, mais ne conservent pas nécessairement la dette sur le long terme. Une manière de soutenir Dakar sans porter l’intégralité du risque. Cette mécanique permet aussi de maintenir la liquidité du marché régional tout en offrant une porte d’entrée sécurisée aux capitaux étrangers.
Reste désormais à savoir si les perspectives économiques du Sénégal permettront de consolider cette confiance… ou si les banques ivoiriennes devront, à terme, ajuster leur exposition.
