Un Patrice Talon, Président de la République aurait été plus bénéfique pour le Bénin dans les années 1960 où on jetait les bases, les fondements de notre État. L’image d’un homme d’Etat qu’il affirme aujourd’hui avec poigne et fermeté en tant que visionnaire et réformateur, est tout ce dont le Bénin avait besoin à cette époque là. Patrice Talon rattrape aujourd’hui le vide creusé par l’allégorie du monstre à trois têtes, qui s’était exclusivement partagé le pouvoir plutôt que de penser à l’indépendance énergétique, économique et sociale.
Il est vrai que les reformes actuellement en cours sous l’égide du pouvoir de la rupture engendrent frustrations, confusions et même des malédictions proférées au quotidien à l’égard du Chef de l’État. L’absence de la thérapie douloureuse qu’il nous impose depuis 3 ans est l’échec d’une gouvernance catastrophique qui remonte au lendemain des indépendances où, la majorité des Etats africains avaient passé le clair de leur temps à célébrer l’effervescence de la démocratie au lieu de penser le développement à juste titre. Ce qui est d’ailleurs indispensable pour la relance des secteurs phares du développement d’un pays à économie essentiellement fiscale comme celle du Bénin. Dans les années 1960-1980, penser comme Talon Patrice pense aujourd’hui aurait épargné le peuple béninois des tribulations d’une gestion approximative et improvisée du pouvoir.
Mieux, les cris de controverses généralisées et les contestations ruminées intérieurement par chaque béninois sont les signes d’un déséquilibre prononcé entre la gouvernance à visées émancipatrices du Chef de l’État et les attentes spontanées d’un peuple pris d’empressement et longtemps floué. A observer de plus près l’arrivée des Chefs d’Etats au sommet de la magistrature suprême, deux choix s’imposent à eux. Soit ils s’occupent du peuple en optant pour le populisme soit ils optent pour le développement durable soutenu par une seule vision: celle de la tête pensante et agissante du Président de la République.
Pendant dix (10) ans, Boni Yayi a fait l’option d’un populisme caractérisé par des actions éphémères qui n’ont duré que le temps de son mandat. La majorité des actions qui sont censées durer dans le temps ont été frappées par une série de scandales scabreux : Maria Gléta1, Assemblée Nationale, Machines agricoles, PPEA2, Cen-sad, Micro-crédits sous FNM, Cos-Lepi, Aéroport de Tourou, Construction des logements sociaux, Concours frauduleux, etc. Bref, très peu de chantiers ont bénéficié d’un suivi rigoureux dans leur exécution.
Cependant, sa proximité avec le peuple à la base et l’accès à des facilités sous son régime lui ont permis de conquérir le cœur des Béninois et d’en être le maître à ce jour. Ce qui continue de faire de lui l’homme du peuple. En témoignent la marée humaine et les slogans élogieux qui l’accompagnent à chacune de ses descentes même celles les plus spontanées.
Il est donc clair que le style de gouvernance varie d’un Président à un autre. Depuis 2016, l’autorité de l’État, sur la base d’un développement durable soutenu par un programme d’Actions du Gouvernement, laisse entrevoir un autre type de gouvernance. Moins propagandiste, Patrice Talon associe vision, méthode, rigueur et ténacité pour atteindre son objectif: le développement durable à tout prix. Face à un peuple en quête de ce que feu Albert Tévoedjrè appelait «le minimum social commun», et qui ne sent pas ses desiderata pris en compte par l’autorité de l’État, il s’aperçoit un climat de désamour qui ne dit pas son nom. De ces précédents, il n’est pas exagéré d’affirmer que Yayi gère le peuple, tandis que Talon gère l’État.