Edouard Loko, président de la HAAC : la presse béninoise entre espoir et inquiétudes

Paul Danongbe
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Edouard Cocou Loko, Président de la HAAC, 7ème mandature au Bénin. @Médias locaux

La HAAC du Bénin prend une nouvelle ossature après la sixième mandature présidée par Rémi Prosper Morétti. Les 9 membres qui vont animer la septième mandature de l’institution de régulation des médias sont désormais au grand complet. Et à leur tête, Edouard Loko, un vétéran de la presse, un habitué de la maison. En effet, Edouard Cocou Loko à l’état civil, un proche du Chef de l’Etat Patrice Talon, mais avant tout, journaliste à la réputation établie au Bénin, a été nommé mercredi 03 juillet 2024 en Conseil des ministres pour présider la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC).

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Ce dernier – se rappelle-t-on – a été le manitou de toute la stratégie de communication de Patrice Talon, alors candidat au poste de président de la République au Bénin en 2016. C’est d’ailleurs la doigté avec laquelle, il a conduit l’équipe à lui affectée, et l’efficacité de la stratégie de communication déployée à l’époque qui lui ont valu, sa nomination le 17 mai 2016, par celui qui a succédé à Boni Yayi à la tête du Bénin : « Monsieur Edouard Cocou Loko est nommé chargé de mission du président de la République, responsable de la communication média », avait précisément stipulé le décret présidentiel consacrant sa nomination.


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Une carrière qui parle pour l’homme

Avant cette nouvelle nomination, celui qui cristallise aujourd’hui toute l’attention au sein de la presse béninoise avait déjà occupé des postes clés dans le domaine des médias. Il a notamment été directeur général adjoint à la chaîne Eden Tv et a également occupé le poste de vice-président de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) durant la cinquième mandature (2014-2019). Edouard Loko a par ailleurs reçu de nombreuses autres distinctions honorifiques. En 2021 par exemple, il a entre autres, été élevé au grade de Grand Officier de l’Ordre National du Bénin.

Son expérience et sa familiarité avec le secteur des médias béninois font donc de lui un choix naturel pour diriger l’organe de régulation durant cette septième mandature. À tous égards, le successeur de Rémi Prosper Morétti est attendu pour relever les nombreux défis auxquels la HAAC est confrontée. Parmi ceux-ci, figurent la lutte contre la désinformation, la promotion d’un journalisme de qualité et la défense de la liberté d’expression. Mais tout particulièrement, les professionnels des médias attendent non seulement de sa présidence, un dynamisme renouvelé et une gestion éclairée de la HAAC, mais aussi et surtout un cadre formalisé qui fait des entreprises de presse au Bénin, des structures viables et prospères qui compteront de moins en moins, des journalistes soumis à la vulnérabilité pour employer un euphémisme, sinon à de la mendicité pour être plus précis.

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La réaction mitigée des acteurs des médias

Si au regard de la nouvelle configuration de la HAAC, septième mandature, il est établi que l’institution est désormais confiée aux professionnels avec notamment la présence de Basile Tchibozo – l’autre vétéran de la presse visiblement très adulé – Armand Hounsou qui connait très bien la maison pour avoir appartenu à la sixième mandature, Lionel Gbegonnoudé, Roukiatoi Bio Fai et Edouard Loko lui-même, l’espoir est permis, la posture du nouveau président de la HAAC pendant les huit dernières années interpelle tout de même les professionnels des médias.

Sur les réseaux sociaux, divers commentaires ont été exprimés : certains saluent une nouvelle ère prometteuse pour les médias sous sa direction, tandis que d’autres expriment des inquiétudes quant aux « conditions difficiles » dans lesquelles les médias ont opéré depuis 2016. Les critiques pointent notamment l’absence totale de cadre favorisant la croissance des entreprises de presse et l’indépendance des journalistes dans l’exercice de leur profession. Ils se demandent si la HAAC sous la direction de Loko maintiendra une régulation plus juste et impartiale, ou si elle sera utilisée pour davantage “maintenir” la presse au Bénin dans la précarité.


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L’espoir chez les uns

« J’ai foi qu’un nouveau vent va désormais souffler… Puisque le nouveau président est au cœur du projet de réforme….», s’est exclamé le journaliste Lorys Hounon mercredi dans le forum WhatsApp dénommé “Carte de presse”, un creuset qui réunit plusieurs journalistes au Bénin. « Ce qui est clair les lignes vont bouger. Le statu quo et l’immobilisme observés ces cinq dernières années dans le monde de la presse ne peuvent plus continuer », va ajouter Dieudonné Katakoula qui dessine ainsi, l’espoir que porte la septième mandature de la HAAC. Saluant la majorité numérique des professionnels sur l’ensemble des 9 conseillers désignés par la presse, le parlement et l’exécutif pour siéger au sein de cette mandature, certains journalistes pensent qu’il faut plutôt compter exclusivement sur les conseillers élus par leurs pairs.

Ce que Donklam Abalo a aussitôt rectifié : « Les décisions à la haac sont collégiales. Nos trois représentants ne peuvent rien seuls . L’avantage ici c’est que numériquement les journalistes font la majorité ». Il sera appuyé par Fortuné Sossa qui se réjouit : « le président Loko est un proche du chef de l’Etat, quelqu’un qui sait comment lui parler pour avoir son attention voire son affection. Et quelqu’un comme lui à la tête de la HAAC, c’est une aubaine. Maintenant, à nous autres de savoir bien nous comporter vis-à-vis des textes pour leur faciliter la tâche ».  Des propos que salue pour sa part, Michel Ahonon qui, une fois encore, relève l’espoir au sein de la presse qui vit économiquement des moments difficiles depuis 2016. « Nous attendons beaucoup de cette mandature. Et le chef de l’État vient de nous responsabiliser », va souligner le journaliste lui aussi connu pour son inspirant parcours.

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Des inquiétudes et des actions à mener chez les autres

Contrairement à ceux qui notent de facto, l’espoir d’un avenir meilleur pour la presse béninoise, d’autres ont préféré jouer la carte de la prudence rappelant ainsi qu’il faudra mener des actions conséquentes de veille. « Pourquoi voulez-vous compter sur Édouard Loko? Est-ce vous qui l’avez nommé ? S’il nous surprend positivement, tant mieux. Mais il est d’abord en mission politique. C’est la première vérité. Cela nous permet de savoir comment on s’organise pour y faire face. Nous ne devons pas compter sur les politiques », prévient Virgile Ahouansè. Pour Brieux Nouréni, c’est plutôt la grande prudence :  « Il ne faut pas aussi attendre grande chose de lui que ce que l’exécutif va imposer à la presse. Il était dans les couloirs du pouvoir depuis 8 ans sans rien pouvoir pour cette presse réduite à la précarité ».

Une posture au delà de laquelle, va Ludovic Guedenon qui, pense en ce qui le concerne que « si les médias donnent du temps à l’équipe qui s’installe, le mandat finira et rien n’aura été fait ». Ce dernier estime de plus qu’ « en principe, le jour où ils seront installés, les acteurs devraient leur déposer en même temps un cahier de charges en prenant l’opinion à témoin ». Le journaliste rappelle par ailleurs plusieurs dossiers en attente : « la réforme annoncée dans les médias, ⁠l’aide de l’état à la presse privée devenue inexistante, ⁠le code sur le numérique, etc. »


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En définitive, la nomination d’Edouard Cocou Loko à la tête de la HAAC marque un tournant décisif pour les médias béninois. L’avenir dira sans doute comment aux côtés des autres conseillers de l’institution, il dirigera cet organe de régulation dans un contexte politique singulier marqué par l’imminence des élections générales de 2026, où les questions de liberté et de viabilisation de la presse restent particulièrement au centre des préoccupations.

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