Depuis le coup d’État survenu le 26 juillet 2023 au Niger, une crise diplomatique, a pris racine entre Cotonou et Niamey. Les putschistes n’avaient pas digéré la réaction du Chef d’État béninois sur le renversement du Président Bazoum. Depuis lors, le Général Brigadier, Abdourahamane Tiani a maintenu les frontières nigériennes fermées avec le Bénin, mettant ainsi les populations frontalières et les transporteurs des deux pays dans un embargo qui ne dit pas son nom. Ces dernières se demandent réellement, à quand la reprise de leurs activités économiques et la libre circulation des personnes et des biens sur cette voie ?
A quand l’ouverture des frontières Bénin-Niger ? C’est la grosse interrogation que se posent d’une part, les populations frontalières dont le commerce a été mis à mal, et d’autre part, les transporteurs et les conducteurs poids lourds qui doivent désormais épuiser au moins deux mois sinon plus, pour rallier Niamey avec une traversée de calvaire sur la route de Kaya, au Burkina Faso. Face à cette situation qui perdure, les acteurs du transport ont décidé de rompre le silence.
Dans une interview accordée à Africaho mardi 8 octobre 2024, en marge d’une réunion d’urgence, le Président du Collectif des Transporteurs des marchandises du Bénin, Alihassan Baboni à déploré le silence inouï des autorités nigériennes sur le sujet. “Depuis la fermeture des frontières, la plupart des transporteurs et des conducteurs sont dans une extrême pauvreté. Nous avons constaté que jusqu’ici, la partie nigérienne est en train de ne pas écouter le cri de cœur des transporteurs et des conducteurs béninois et nigériens. Nous sommes dans une léthargie”, a-t-il déclaré.
Quand le prix du laissez-passer grimpe !
Par ailleurs, à côté du premier responsable de l’association, on retrouve Aminou Abdoulaye, Secrétaire Général national du Collectif des transporteurs des marchandises du Bénin. Il renchérit les déclarations du Président de l’organisation. “Ça ne va pas. Aujourd’hui nous les transporteurs, nous sommes obligés de faire tout un contour avant d’aller à Niamey”. Pour lui, c’est un calvaire total sur cette voie. D’abord, il y a l’insécurité, il y a toute sorte de tracasseries. “Par exemple au Burkina Faso avant, le laissez-passer était à 2000 FCFA, mais depuis le début du contournement, cette pièce est passée de 2000 à 30.000 FCFA”, a confié à Africaho, le SG national de l’association.
Mais, à en croire à Aminou Aboudoulaye, le comble survient une fois arrivé à Kaya, située dans la province du Sanmatenga au Nord-Est du Burkina Faso. Là, il faut attendre le convoi stratégique et pour le faire, c’est la souffrance totale pour les conducteurs. ”Vous ne pouvez pas imaginer combien de camions, nous avons perdu sur cette voie, combien de conducteurs qui ont perdu la vie sur cette voie”, a-t-il souligné. Comme pour dire vrai, un autre exemple vient étayer les propos du SG national.
Car le conducteur Bani Bashirou a frôlé la mort en échappant de justesse aux coups de balles des présumés terroristes. Selon son témoignage, son camion et toutes ses pièces précieuses, notamment son permis de conduire les frais du transport et son téléphone portable ont été brûlés ce jour là. Ils auront couru, lui et son apprenti à des vingtaines de kilomètres avant d’être secourus par les forces Burkinabè.
Il faut dire qu’aujourd’hui ça fait un peu plus d’un an que les nouvelles autorités nigériennes maintiennent leurs frontières fermées avec la République du Bénin suite à un conflit diplomatique qui tire son origine depuis le 26 juillet 2023, date du renversement de l’ex Président Mohamed Bazoum. Alors que tout le monde croyait à une crise passive entre les deux pays, force est de constater que la situation est devenue plus critique.
Nicéphore Soglo et Thomas Boni Yayi, n’ont-ils pas convaincu la junte militaire d’infléchir sa position vis-à-vis de Cotonou ?
En effet, malgré les bons offices des anciens Chefs d’Etat, Nicéphore Soglo et Thomas Boni Yayi, en visite à Niamey du 24 au 27 juin 2024, les autorités nigériennes ont maintenu jusqu’ici une intransigeance sur leur volonté à ne pas rouvrir les frontières. Pourtant, cette médiation avait suscité un brin d’espoir bien au sein des acteurs du transport qu’au sein des populations frontalières dont les activités commerciales ont été mises sous assoupissement depuis des lustres.
Mais même si jusque-là le résultat qu’attend les citoyens lambdas n’est pas encore là (ouverture des frontières), il faut tout de même reconnaître que des jalons ont été lancés pour la décrispation de la crise en général. Car les deux sages ont réussi à faire asseoir les deux parties autour de la même table. Il s’agit notamment de l’arrivée diplomatique de la délégation nigérienne à Cotonou, de la création d’un comité tripartite de résolution de la crise et enfin, la rencontre des ministres des affaires étrangères des deux pays ( la dernière en marge de la 79e session de l’Assemblée générale de l’ONU).
Néanmoins, ce silence du Président nigérien Abdourahamane Tiani en dépit de la main tendue du Chef d’Etat Béninois Patrice Talon a suscité de vives réactions au sein des responsables des transporteurs. Ces derniers, partagés entre plaidoiries et dénonciations du silence coupable de la partie nigérienne, se sont lâchés. Car le Général aurait le temps de se rassurer qu’effectivement, qu’il n’y avait aucune base militaire française hébergée sur le territoire béninois. Alors là, qu’elle autre raison pourrait si tant retarder la réouverture des frontières pour le bien être de tous ?
Les autorités des deux pays invitées à faire diligence
“Nous appelons les Présidents, Patrice Talon et Abdourahamane Tiani à revoir leur position afin que les frontières soient réouvertes pour le bonheur de tous”, a conclu le SG national. Si pour autant les Chefs d’Etat des deux pays ont eu des points d’entente pour l’embarquement effectif du pétrole nigérien, dont le 4e navire est en cours de chargement, pourquoi ne pas faire de même pour la réouverture des frontières ?
Tout porte à croire qu’il y a un frein de bonne volonté soit chez l’un ou chez l’autre Président qui ne voit que leur intérêt en négligeant celui des sans voix ou que dis-je, les transporteurs et les commerçants. Mais une chose est certaine, le Bénin et le Niger sont des pays frères et le resteront pour l’éternité.
Cependant, eu égard de tout ce qui précède, s’il y aura l’ouverture des frontières, c’est le moment ou jamais. C’est en effet, le moment pour les deux parties, surtout nigérienne de revoir leurs cartes dans cette crise, afin de mettre fin dans un premier temps au calvaire des transporteurs et dans un second temps au pétrin des populations frontalières, dont les activités économiques ont été crispées. Car cela y va de l’intérêt commun de tous.