Le Niger du général Tiani entre « souveraineté retrouvée » et incertitudes

Casimir Vodjo
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Le général Abdourahamane Tiani, chef d'Etat du Niger

Un an après le coup d’État du 26 juillet 2023, le Niger tente de redéfinir son cap sous la conduite du général Abdourahamane Tiani. Rupture avec l’Occident, alliance avec de nouveaux partenaires, insécurité persistante, incertitudes économiques… Entre ambition souverainiste et réalités complexes, le pays avance à tâtons dans un environnement régional instable.

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La destitution du président élu Mohamed Bazoum par le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), le 26 juillet 2023, a bouleversé la stabilité politique du Niger. Porté par une dynamique de rejet des anciennes élites et une défiance envers les puissances occidentales, le général Abdourahamane Tiani a imposé un nouveau discours, celui d’une souveraineté retrouvée, affranchie de toute influence étrangère.

Dans les mois qui ont suivi le coup d’État, Niamey a rompu avec la France, dénoncé plusieurs accords de coopération militaire, et opté pour un réajustement stratégique en faveur de la Russie et de la Turquie. Ce recentrage diplomatique s’est accompagné d’un rapprochement avec les régimes militaires du Mali et du Burkina Faso, à travers la création de l’Alliance des États du Sahel (AES).

Une sécurité toujours précaire malgré le changement de cap

En dépit du discours souverainiste et des décisions symboliques fortes, la situation sécuritaire au Niger demeure préoccupante. Le pays fait face à une double menace : les groupes jihadistes liés à Al-Qaïda au Sahel (JNIM) à l’ouest, et ceux affiliés à l’État islamique à l’est, notamment dans la région de Diffa.

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Si les autorités de transition affirment vouloir reconquérir les territoires sous emprise terroriste sans influence étrangère directe, la réalité du terrain est complexe. Les attaques continuent, les populations civiles restent vulnérables, et les capacités de l’armée nigérienne, bien que renforcées par l’aide russe et les nouveaux partenariats, peinent à couvrir tout le territoire.

En effet, trente-quatre soldats nigériens ont été tués jeudi 19 juin, lors d’une attaque menée par « plusieurs centaines » d’hommes armés contre la ville de Banibangou, dans l’ouest du Niger, proche du Mali. Récemment, le ministre nigérien de la Défense, Salifou Modi, a annoncé la mort de dix soldats et 15 autres blessés dans une double attaque de jihadistes présumés dans l’ouest du pays, près du Burkina Faso le vendredi 04 juillet 2025.

L’AES comme alternative pour une recomposition régionale

Face à l’isolement diplomatique, le Niger a investi dans l’AES comme alternative régionale. Avec le Mali et le Burkina Faso, les autorités nigériennes entendent construire une alliance militaire et politique fondée sur une vision panafricaniste de la souveraineté.

La tenue annoncée d’un sommet de l’AES en décembre 2025 à Bamako devrait permettre d’avancer vers une éventuelle confédération. Toutefois, cette union reste fragile. Les trois pays partagent des défis communs, mais souffrent aussi d’un manque de moyens, de divergences économiques, et d’une reconnaissance internationale limitée. L’AES reste, pour l’instant, un projet plus politique que fonctionnel.

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Crise économique et attentes sociales : l’autre front du régime

Le front économique est un autre champ de défis. Si les sanctions de la CEDEAO ont été levées, leurs impacts restent visibles avec l’inflation, la baisse des échanges régionaux et le recul des investissements étrangers. Le pays, dépendant des revenus miniers (notamment l’uranium) et des aides extérieures, peine à faire décoller son économie réelle. Les promesses de relance, d’industrialisation, et de souveraineté alimentaire tardent à se concrétiser.

Sur le plan social, les attentes sont énormes. La jeunesse, qui a soutenu la transition, espère un véritable changement avec un accès à l’emploi, des services de base et la lutte contre la corruption. Or, les réformes structurelles annoncées restent largement symboliques. Sans réponse rapide, l’enthousiasme populaire pourrait se transformer en désillusion.

Sous la direction du général Tiani, le Niger a enclenché une transition audacieuse, rompant avec ses repères historiques pour tracer une voie nouvelle. Mais dans un Sahel instable, en proie avec le terrorisme, les tensions régionales et les vulnérabilités économiques, ce choix s’apparente à une marche dans le brouillard.

L’avenir du Niger dépendra de sa capacité à sécuriser son territoire, stabiliser son économie, renforcer ses institutions… tout en conservant l’adhésion de son peuple. Car dans ce contexte sahélien incertain, l’ambition souverainiste seule ne suffira pas à éclairer le chemin.

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