Liban: mésentente entre l’alliance entre le CPL et le Hezbollah, déjà la rupture ?

Africaho
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Rien ne va plus entre le Courant patriotique libre (CPL, chrétien) et le Hezbollah chiite. La fin de l’alliance qui a duré seize ans entre ces deux grandes formations va rebattre les cartes sur la scène politique libanaise.

 

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L’impact des profonds désaccords apparus ces dernières semaines entre le Courant patriotique libre (CPL, fondé par l’ex-chef de l’État Michel Aoun) et le Hezbollah pro-iranien est d’autant plus important que l’alliance entre ces deux grands partis a rythmé la vie politique libanaise depuis qu’ils ont signé une « entente » exhaustive, en février 2006.

Le rapprochement qui s’est ensuivi a profité aux deux parties. Grâce au soutien de son allié chiite, le CPL s’est imposé comme acteur incontournable et principal représentant de la communauté chrétienne dans un système politique basé sur une répartition communautaire des postes au sein de l’État.

Dans ce système appelé « confessionnalisme politique », le principe de la parité chrétiens/musulmans est en vigueur au Parlement, au gouvernement et aux postes de fonctionnaires de première catégorie dans l’administration publique. La fonction de chef de l’État est réservée à un chrétien maronite, celle de président du Parlement à un chiite, tandis que le Premier ministre est toujours sunnite.

Entre 2006 et 2016, cette entente s’est traduite – même au prix de blocages politiques qui duraient parfois de longs mois – par le soutien du Hezbollah à son allié chrétien dans la formation des gouvernements successifs, la répartition des portefeuilles ministériels et les nominations aux postes administratifs.

L’alliance CPL-Hezbollah mène Michel Aoun à la présidence

Cette alliance indéfectible a été couronnée, le 31 octobre 2016, par l’élection de Michel Aoun, candidat proclamé du Hezbollah, à la présidence de la République. En 2018, lors des élections législatives, l’alliance a bien fonctionné, malgré quelques accrocs, permettant au CPL, au parti chiite, ainsi qu’à leurs alliés, d’obtenir la majorité des sièges au Parlement.

Le Hezbollah aussi a tiré profit de cette relation. Elle lui a conféré une couverture nationale transcommunautaire, empêchant ainsi son isolement politique et populaire, comme l’auraient souhaité les États-Unis et Israël.

Le parti pro-iranien a pu de la sorte marginaliser ceux qui exigent, au Liban et ailleurs, le désarmement de son aile militaire qu’il affirme conserver, malgré la fin de la guerre civile (1975-1990) – à laquelle il n’a pas participé –, pour « défendre le pays contre les agressions israéliennes ».

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À partir de 2018, des divergences ont commencé à apparaître entre les deux alliés, essentiellement au sujet de l’approche vis-à-vis de ce que le CPL appelle la « lutte contre la corruption ».

Le parti chrétien a exercé de fortes pressions sur le Hezbollah pour le pousser à se désolidariser du président du Parlement, Nabih Berri, réélu à cette fonction sans interruption depuis 1992. Principale figure chiite de l’État, ce dernier est accusé par le CPL d’être le plus éminent représentant de la classe politique traditionnelle « corrompue », jugée responsable de l’effondrement du Liban.

Cependant, l’unité des chiites autour du projet de la « résistance contre Israël » constitue pour le Hezbollah une ligne de défense sacrée. Toute tentative d’affaiblir ou de désavouer Nabih Berri aurait provoqué une dangereuse fissure au sein de la communauté, ce qui est hors de question pour le parti pro-iranien.

Dans la guerre ouverte entre Michel Aoun et son gendre Gebran Bassil (qui a pris la direction du CPL en 2016) d’un côté, Nabih Berri de l’autre, le Hezbollah a tenté, dans un premier temps, de jouer le médiateur, puis de se poser en arbitre pour, enfin, se contenter du rôle de spectateur impuissant.

Bassil paye le prix de son alliance avec le parti chiite

Malgré les malentendus, l’alliance n’a jamais été remise en question. Gebran Bassil en a d’ailleurs payé le prix lorsque les États-Unis l’ont placé, en novembre 2020, sur la liste des sanctions pour corruption, alors que la vraie raison est son refus de rompre avec le Hezbollah.

Les malentendus se sont transformés en profonds désaccords avec l’approche de la fin du mandat de Michel Aoun en octobre dernier.

Le Hezbollah a clairement exprimé son soutien à la candidature de l’ancien député Sleiman Frangié à la présidence de la République. Ce leader maronite du Nord-Liban est un vieil allié du parti chiite et un ami du président syrien Bachar el-Assad.

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Toutefois, le CPL s’est résolument opposé à cette candidature. Il a publiquement affiché ses divergences avec le Hezbollah après une longue réunion entre le chef du parti Hassan Nasrallah et Gebran Bassil, qui n’a pas abouti à un accord.

La relation a reçu un autre coup dur début décembre quand le Hezbollah a participé à une réunion du Conseil des ministres. Or, le CPL, et avec lui les principales forces chrétiennes, estiment que le gouvernement d’expédition des affaires courantes, présidé par Najib Mikati, n’est pas habilité à hériter des prérogatives du président de la République en cette période de vacance à la tête de l’État.

Le CPL, qui réglait d’habitude ses différends avec le Hezbollah entre quatre murs, a étalé le linge sale en public, ce qui a fortement contrarié le parti chiite.

Pendant plus de deux mois, aucun contact n’a eu lieu entre les dirigeants des deux formations pour essayer de se rabibocher.

Échec d’une rencontre de la dernière chance

La semaine dernière, une importante délégation du Hezbollah a rencontré, pendant des heures, Gebran Bassil sans qu’aucun accord ne soit trouvé sur l’élection présidentielle et la gestion du pays en cette période de vacance présidentielle. Le leader du CPL a réaffirmé son opposition à la candidature de Sleiman Frangié et le parti chiite ne s’est pas engagé à boycotter les prochaines réunions du Conseil des ministres.

Les deux parties ont convenu, cependant, de ne plus s’adresser des critiques publiquement pour ne pas envenimer les relations.

Cette trêve médiatique n’a duré que quelques jours. Dimanche 29 janvier, Gebran Bassil s’est dit « inquiet » de la pérennité de son entente avec le parti chiite. « Il y a un désaccord sur la priorité de construire un État », a-t-il lancé lors d’une intervention télévisée.

« Seul un État fort, débarrassé de la corruption, peut protéger la Résistance [en allusion au Hezbollah, NDLR]. Le projet de la Résistance ne doit pas être en contradiction avec le projet de construction d’un État », a martelé le chef chrétien.

Des propos qui montrent que le dernier fil qui unissait encore le CPL au Hezbollah pourrait bientôt de se rompre.

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