Le secteur de la location au Bénin est gangréné par des pratiques douteuses orchestrées par des bailleurs et agents immobiliers. Frais exorbitants, arnaques, et conditions illégales sont devenus monnaie courante, au grand désarroi des locataires. Les appels à une régulation stricte et à une réforme profonde se multiplient pour assainir ce marché en crise.
Au Bénin, notamment à Cotonou et à Abomey-Calavi, contracter un bail, est devenu un véritable parcours de combattant pour les aspirants locataires. Derrière l’apparente simplicité de trouver un logement, se cache un réseau complexe et souvent illégal qui implique des bailleurs et agents immobiliers. Ces acteurs, bien organisés, profitent de la forte demande en logement pour imposer des pratiques peu orthodoxes, au détriment des locataires. Ces pratiques, bien que contraires à la législation en la matière, se poursuivent en raison de l’absence d’une régulation stricte et efficace.
« Disponible, une chambre salon sanitaire…. Loyer 35 000 F Cfa. Conditions : 3 mois d’avance + 3 mois prépayés + Caution électricité et eau 50 000 F Cfa + un mois la Commission immobilière ». C’est en substance, les conditions à respecter par une personne en quête de location de logement au Bénin. Et pourtant, l’article 57 de la loi n° 2022-30 du 20 décembre 2022 portant régime juridique du bail à usage d’habitation en République du Bénin, dispose que «le cautionnement à titre de garantie ne peut excéder une somme correspondant à trois (03) mois de loyer».
Et mieux, l’article 27 de la même loi, stipule que « la commission de l’agent immobilier est librement fixée entre les parties ». « Toutefois, lorsque l’agent immobilier met seulement en relation les parties pour la conclusion d’un bail, cette commission est payée par le demandeur de service. La commission ne peut excéder 50% du loyer mensuel », précise d’ailleurs le texte. Mais sur le terrain, force est de constater que les agents immobiliers exigent une commission de 100% du loyer mensuel. Certains propriétaires s’associent même à ces agents, imposant des mois de caution excessifs ou trois mois de prépayés (pour disent-ils, permettre au locataire de souffler un peu financièrement avant de commencer par payer le loyer) et des frais supplémentaires injustifiés, tels que des frais d’entretien fictifs.
Ce réseau fonctionne grâce à une coordination habile entre agents immobiliers et bailleurs. Les victimes, souvent sans recours, hésitent à porter plainte en raison de la complexité des procédures judiciaires et de la crainte de perdre encore plus d’argent. Ce sentiment d’impuissance alimente le maintien du système, qui prospère à l’abri des regards.
Discrimination!
La loi n° 2022-30 du 20 décembre 2022, régissant le bail à usage d’habitation au Bénin, interdit les discriminations dans l’accès au logement et encadre strictement les commissions des agents immobiliers. Pourtant, à Cotonou comme dans de nombreuses autres villes, ces dispositions sont souvent ignorées dans le secteur de la location au Bénin. Certains bailleurs exigent que la partie locataire soit de tel ou tel bord religieux. D’autres disent clairement qu’ils ne veulent pas louer leur propriété à un célibataire etc.
“Je ne peux jamais l’oublier. La propriétaire m’a clairement dit “NON” juste parce que je ne suis pas musulmane. Moi, je suis céleste.”, a déclaré Brigitte, une étudiante à Cotonou. “J’ai été visité une chambre, c’était conforme à mes attentes. Mais malheureusement, je n’ai pas pu prendre la chambre bien que j’avais la totalité des sous sur moi ce jour-là”, a confié à Africaho, Laurent, un instituteur à Abomey-Calavi. Interrogé sur les motifs, il a déclaré que le propriétaire a dit vouloir “un couple” dans sa maison. “Alors que moi, je suis célibataire sans enfants”, a-t-il poursuivi, ajoutant : “je me demande encore, pourquoi”.
Franck, un étudiant en troisième année de droit à l’Université d’Abomey-Calavi nous raconte sa mésaventure : “J’ai simplement manqué de prendre une chambre que je voulais parce que je suis étudiant. Quand le démarcheur m’a amené voir le propriétaire, il m’a dit que nous les étudiants sommes des voyous et qu’il ne souhaite pas que son local se transforme en une chambre de passage”.
Frais de visite ou de déplacement, l’autre anarque voilée des agents immobiliers
Dans ce secteur de la location au Bénin, les démarcheurs imposent des frais dits de “visite” allant parfois jusqu’à 5000 FCFA, sans garantir l’accès à des logements correspondants aux attentes des locataires. Pire, certains logements proposés sont déjà occupés, ou les démarcheurs disparaissent après avoir perçu des frais liés à leur déplacement. “J’ai payé pour une visite qui n’a jamais eu lieu à Sainte Rita. Le démarcheur a coupé tout contact après avoir reçu l’argent”, raconte Nestor, une victime de ces pratiques.
“Moi, par exemple, j’ai obtenu un emploi à Fidjrossè, non loin de la nouvelle école Pierre Manuel TALON, alors que je réside à Gbétagbo, un quartier d’arrondissement d’Akassato. Pour prendre une chambre-salon ordinaire, quand je demande, on me dit, c’est à 30.000 fcfa. Et ceci, sans parler de la caution à verser, des frais du démarcheur, etc.”, a déclaré Salim.
“Etant marié, je ne peux louer une entrée couchée ! Verser à chaque fin du mois 30000 pour la chambre, je me demande avec quel salaire, et comment pouvoir cotiser et construire ma propre maison. C’est sérieux ! Il faut que les autorités au haut niveau de notre pays revoient encore cette politique. Louer à Cotonou est devenu vraiment un calvaire. Aujourd’hui, les dimensions des chambres sont même réduites et pourtant, les prix augmentent”, a-t-il ajouté.
Une bataille à mener pour un marché équitable
Pour sortir de cette spirale, une action concertée entre autorités publiques, associations de consommateurs et acteurs du marché semble bien nécessaire. Sans une intervention rapide, ce réseau mafieux continuera de prospérer au détriment des citoyens les plus vulnérables, laissant planer un doute sur la justice et l’équité dans le secteur locatif à Cotonou.
“Le logement convenable est un droit fondamental. La location d’un logement ne doit pas être un luxe ni une source de stress. C’est un droit qui doit être accessible à tous, sans exploitation ni abus”, a déclaré Miguelle Houéto, juriste et militante béninoise des droits humains, contactée par Africaho. Rappelant le contexte de l’avènement de la loi n° 2022-30 du 20 décembre 2022, elle a expliqué qu’un logement convenable doit réunir certaines conditions dont, la sécurité d’occupation, l’existence d’un certains nombre de service qui doivent être une garantie (l’eau potable, éclairage etc.), l’accessibilité financière, l’habitabilité et l’emplacement. Pour elle, une réglementation du secteur de la location au Bénin, devrait être plus stricte et combinée à une sensibilisation des locataires et à une surveillance accrue des acteurs du marché.
En attendant, les locataires potentiels sont invités à faire preuve de vigilance, à vérifier minutieusement les contrats, et à privilégier les agences immobilières reconnues. Sans une action ferme des autorités et une prise de conscience collective, ce réseau mafieux continuera de prospérer au détriment des plus vulnérables.