Sénégal : que retenir de l’accord de paix signé avec le Mouvement des forces démocratiques de Casamance ?

Casimir Vodjo
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Sonko et Embalo

Le gouvernement sénégalais et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) ont signé un accord de paix sous la médiation du président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo. Cet engagement met fin à quatre décennies de conflit en Casamance.

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Après plusieurs décennies de violences et de tentatives infructueuses de dialogue, l’État sénégalais et le MFDC ont officiellement scellé un accord de paix. L’annonce a été faite dimanche lors d’un point de presse tenu au Palais de la République de Guinée-Bissau, en présence du Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko, du président Umaro Sissoco Embalo et du Premier ministre bissau-guinéen Rui Duarte Barros.

« Nous avons pu participer à la conclusion de cet important accord qui constitue un très grand pas vers la paix définitive en Casamance », a déclaré Ousmane Sonko qui a salué la médiation de la Guinée-Bissau dans ce processus.

La Casamance, enclavée entre le Sénégal et la Gambie, est en proie à un conflit séparatiste qui a fait des milliers de morts depuis 1982. Fondé la même année, le MFDC revendiquait l’indépendance de la région et a mené plusieurs décennies de lutte armée contre l’État sénégalais.

En mai 2023, un signe encourageant vers la paix avait déjà été observé avec la reddition de plus de 250 combattants du MFDC à Mongone, un ancien bastion séparatiste. L’accord signé vient ainsi sceller ces avancées et amorce une phase de reconstruction pour la Casamance.

Que retenir de cet accord ?

« Par cet accord, la délégation du Comité provisoire des ailes politiques et combattantes unifiées du Mouvement des Forces démocratiques de la Casamance (MFDC) a réaffirmé la validité de l’accord de Bissau du 04 août 2022 pour demeurer dans la volonté commune des Parties d’œuvrer en vue d’un accord de paix définitif en Casamance qui passe par le dépôt des armes et ses modalités pratiques négociées sous divers aspects », informe le communiqué publié par le Bureau d’Information et de la Communication du gouvernement sénégalais (BIC-GOUV).

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L’accord de paix signé en août 2022 entre le gouvernement sénégalais et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) comprend plusieurs engagements et des dispositions clés visant à instaurer une paix durable en Casamance :

Cessation des hostilités : les deux parties s’engagent à mettre fin aux affrontements armés, établissant ainsi un cessez-le-feu permanent.

Démobilisation et réinsertion des combattants : Un programme est mis en place pour le désarmement des membres du MFDC, accompagné de mesures pour leur réintégration socio-économique, facilitant leur retour à la vie civile.

Retour des réfugiés et des déplacés internes : L’accord prévoit des initiatives pour encourager et soutenir le retour volontaire des personnes ayant fui la région en raison du conflit.

Développement économique et social de la Casamance : des projets spécifiques sont planifiés pour revitaliser l’économie locale, améliorer les infrastructures et promouvoir le bien-être des communautés affectées.

Fourniture d’actes de naissance : L’État s’engage à délivrer des documents d’identité aux personnes qui n’ont pas pu y accéder en raison de l’instabilité, garantissant ainsi leurs droits civiques.

Qui sont les différents acteurs impliqués ?

L’accord de Bissau a impliqué plusieurs acteurs clés. En premier lieu, l’Etat du Sénégal représenté par le Premier ministre Ousmane Sonko, originaire de la Casamance, qui a joué un rôle central dans les négociations. L’ascension politique d’Ousmane Sonko, originaire de la Casamance, a ravivé les espoirs de paix et de développement dans la région. Nommé Premier ministre en Avril 2024, Sonko bénéficie d’une certaine légitimité auprès des populations locales.

Le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) est l’autre partie prenante de l’accord, bien que des questions subsistent quant à la représentativité des factions impliquées.

Acteur majeur de cet accord, le Président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló a servi de médiateur en accueillant et facilitant les discussions à Bissau.

« On ne peut pas jouer avec la stabilité du Sénégal en Guinée-Bissau, quel que soit le président de la République. De même, le Sénégal ne peut pas jouer avec la stabilité de la Guinée-Bissau, quel que soit le président de la Guinée », a déclaré le président Embaló.

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Le Général de division Samuel Fernandes, Chef de la division de contre-espionnage militaire de Guinée-Bissau, est également signataire de l’accord.

D’autres acteurs importants ont également paraphé le document final. C’est le cas du Centre pour le dialogue humanitaire (HD), une organisation humanitaire suisse ayant joué un rôle clé dans les négociations, ou aussi le Groupe de réflexion pour la paix en Casamance (GRPC), dirigé par l’ancien ministre d’État sénégalais Robert Sagna, qui ont contribué aux efforts de paix en menant des initiatives locales pour favoriser le dialogue et la réconciliation.

La faction nord dirigée par Salif Sadio, pour sa part toute idée de dialogue avec l’Etat sénégalais, n’a pas pris part aux pourparlers de Bissau. Cette faction revendique toujours sa volonté d’indépendance.

Plusieurs accords de paix ont été signés depuis le début du conflit en Casamance en 1982, mais la plupart n’ont pas conduit à une résolution définitive du conflit

Le conflit en Casamance en cours depuis 1982, est le plus vieux différend non résolu sur le continent africain. Il oppose l’État du Sénégal au Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), une rébellion armée aujourd’hui fragmentée en trois factions principales et revendiquant l’indépendance de cette région.

Ce conflit alimenté par un sentiment de marginalisation politique et économique, a éclaté suite aux protestations des habitants de la région, qui se considéraient marginalisés et stigmatisés notamment sur le plan politique, économique et social.

La stratégie de l’État du Sénégal repose sur deux axes : un volet diplomatique et militaire d’une part, combinant des négociations avec les factions du MFDC et des pressions militaires, et un volet socio-économique avec des programmes économiques spéciaux en faveur de la Casamance.

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