Réunis à Dakar pour une réunion délocalisée, les parlementaires de la CEDEAO s’interrogent sur le rôle des technologies de l’éducation et de l’innovation dans le développement de l’Afrique de l’Ouest. Au cœur des débats, l’intelligence artificielle apparaît comme un levier stratégique, à condition qu’elle soit adaptée aux réalités africaines et encadrée par des politiques inclusives, éthiques et souveraines.
Les députés du Parlement de la CEDEAO veulent davantage mettre l’intelligence artificielle au service de l’éducation dans les pays membres de l’institution sous-régionale ouest africaine. En réunion délocalisée depuis lundi dans la capitale sénégalaise, ils ont pris part ce mardi à un exposé sur la nécessité de mettre l’intelligence artificielle au service de l’éducation et du développement des compétences en Afrique de l’Ouest.
En effet, dans un exposé présenté par le député Jacob Kassam, qui a d’abord fait un état des lieux des technologies éducatives dans l’espace CEDEAO, il est souligné le potentiel de ces technologies pour améliorer la qualité de l’enseignement, favoriser l’accès équitable au savoir et préparer les jeunes aux compétences du futur. Pour lui, l’intelligence artificielle représente un levier d’accélération indispensable pour répondre aux défis éducatifs de la région, notamment le manque d’enseignants qualifiés, l’insuffisance des ressources pédagogiques et les inégalités territoriales d’accès à l’éducation.
Technologies de l’éducation, des politiques encore incomplètes
L’exposé du député Kassam a également mis en évidence l’absence, dans de nombreux pays de la région, de politiques nationales clairement orientées vers les technologies de l’éducation. Si plusieurs États disposent de plans numériques globaux ou de projets pilotes, peu ont développé des stratégies sectorielles cohérentes en matière d’éducation numérique.
Les échanges ont souligné l’urgence de concevoir des cadres stratégiques régionaux harmonisés, accompagnés d’indicateurs de suivi communs, afin de renforcer l’impact des investissements publics et des partenariats avec le secteur privé.
Une IA à adapter dans les réalités africaines
Au-delà des promesses technologiques, plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessité de penser une intelligence artificielle adaptée aux contextes africains. Guy Marius Sagna, député à l’Assemblée nationale du Sénégal et chef de la délégation sénégalaise au Parlement de la CEDEAO, a particulièrement attiré l’attention sur cet enjeu.
Selon lui, il est urgent de légiférer en faveur d’un cadre de développement de l’IA qui tienne compte des réalités sociales, culturelles et économiques propres au continent. « Bien que propre aux réalités de notre ère, l’IA ne doit pas réfléchir à la place de notre cerveau, car derrière ces algorithmes, il y a aussi un agenda qui ne reflète pas toujours les exigences et priorités de l’Afrique », a-t-il déclaré. Et de prévenir : « Le cerveau, s’il ne travaille pas, deviendra flasque ». Avant de conclure par une question essentielle : « Quel type d’être humain veut-on laisser à la planète Terre et aux citoyens de la CEDEAO ? »
Son intervention a été largement saluée pour avoir recentré le débat sur les enjeux éthiques et sociétaux de l’intelligence artificielle dans l’éducation, et sur la souveraineté numérique du continent.
Une feuille de route régionale en construction
Selon les parlementaires, la majorité des pays de la CEDEAO disposent de manière générale de politiques nationales en matière de technologies de l’information et de la communication (TIC) appliquées à l’éducation. Toutefois, le niveau d’implémentation varie d’un pays à l’autre. Le Nigeria, par exemple, se distingue par des avancées notables dans la mise en œuvre de ses initiatives éducatives numériques. En revanche, d’autres États comme la Sierra Leone ou le Bénin en sont à des stades d’adoption différents, avec des résultats inégaux selon les contextes institutionnels, les ressources disponibles et l’engagement politique.
À cet effet, les parlementaires ont formulé un ensemble de recommandations, allant de la réalisation d’une cartographie régionale des plateformes numériques d’apprentissage à l’investissement dans les infrastructures essentielles, comme l’électrification des établissements scolaires et leur connexion à internet.
Ils ont également plaidé pour une formation massive des enseignants aux outils numériques, et pour le soutien à l’innovation locale et à l’entrepreneuriat technologique, en particulier dans les établissements d’enseignement supérieur.
L’ensemble des échanges vise à poser les bases d’une feuille de route régionale ambitieuse et inclusive, en phase avec les défis éducatifs et les aspirations des jeunesses ouest-africaines.