Clash entre Crisba, Vano, Bobo Wè, Ghix, Axel Merryl : Fo Logozo livre sa position

Casimir Vodjo
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Fo Logozo

Depuis quelques jours, le rap béninois enregistre une série de clashs qui enflamment aussi bien la scène musicale que les réseaux sociaux. Face à cette effervescence, Fo Logozo, l’un des pionniers du rap en fongbé livre sa position à travers une interview exclusive à Africaho. Le membre fondateur du mythique groupe Ardiess Posse et ancien directeur du festival international Hip Hop Kankpé, partage son regard d’aîné sur cette nouvelle génération qui s’affirme, analyse les enjeux de ces clashs et évoque les défis économiques auxquels font face les rappeurs béninois. Entre fierté, conseils et mises en garde, le rappeur livre une vision lucide et engagée du mouvement hip-hop au Bénin. Interview…

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Africaho : Fo Logozo, bonjour. Ces derniers jours, le rap béninois s’est fortement dynamisé, notamment avec un clash en cours entre Crisba, Vano, Axel Merryl, Bobo Wè, et d’autres figures de la jeune génération qui dominent actuellement la scène. Comment avez-vous vécu et suivi tout cela ?

Fo Logozo : En tant qu’aîné, disons qu’à notre époque aussi, on clashait. Je suis très heureux de voir que nos jeunes frères ont pris leurs responsabilités. En moins d’une semaine, ils ont éclipsé le buzz ivoirien qui faisait la une de presque toutes les pages et comptes Facebook ou TikTok au Bénin. La plupart des jeunes impliqués dans ce clash, je suis leur grand frère. Et comme on dit dans le rap, c’est comme un ring, un tatami : que le meilleur gagne !

Je n’ai pas de préférence particulière, que ce soit Crisba, Vano, Ghix ou Axel que je connais un peu moins. Mais j’avais bien apprécié son titre « Gari », qui m’avait beaucoup fait rire à l’époque de sa sortie. Je trouve que cette initiative est très bonne et très courageuse. Je n’ai jamais vu autant d’engouement depuis fort longtemps.

On avait essayé il y a cinq ans, mais c’était encore balbutiant. On a retenté après, mais ça partait toujours en vrille. Si ce n’était pas des convocations, c’était des spéculations sur des pseudo-envoûtements ou autres polémiques. Finalement, cela n’aboutissait jamais.

Aujourd’hui, voir que la majorité des Béninois s’intéresse à ce mouvement, même ceux qui ne sont pas rappeurs ou amateurs du hip-hop, moi, je tire mon chapeau à nos jeunes frères. Je sais que certains égos vont en prendre un coup, mais comme on dit : c’est à la guerre comme à la guerre.

Le gagnant racontera l’histoire à sa manière. Mais l’essentiel, c’est que tout se passe dans les règles de l’art, sans coups bas. J’espère aussi que les fans ne vont pas trop déborder, que l’ambiance bon enfant que l’on observe actuellement perdurera. Que la passion ne prenne pas le dessus sur la raison. Si on continue ainsi, notre hip-hop se fera entendre d’ici la fin de l’année.

Africaho : Mais quelle est la plus-value, la philosophie du clash ? En France, on a vu Kaaris et Booba en venir aux mains à l’aéroport d’Orly. Ne craignez-vous pas que vos jeunes frères en arrivent là ? Déjà, Vano a récemment déclaré qu’il était prêt, même si cela devait finir en bagarre.

Fo Logozo : Vous savez, quand les esprits sont chauffés à blanc, il y a toujours des excès. En tant qu’hommes, on veut toujours montrer à l’adversaire qu’on est prêt à tout. Mais je n’ai jamais connu Vano comme un bagarreur. Peu importe sa manière d’écrire, c’est un garçon très instruit et posé. Je n’ai pas souvenance qu’il ait déjà été impliqué dans un combat de rue. Malgré ses airs de bad boy, il a la tête sur les épaules.

Dans une bagarre, chacun veut prouver qu’il a la plus grosse… dans son pantalon. C’est une manière de dire : Peu importe le terrain, je suis prêt. Mais je ne pense pas que cela ira jusque-là. Et puis, nous sommes dans un pays de l’ordre. Si quelqu’un se bagarre, il ira en prison, c’est aussi simple que ça. Nous sommes des adultes responsables, la raison doit primer. Une fois la tension retombée, qui sait, ils pourraient même finir par collaborer sur un projet ensemble.

Africaho : Aujourd’hui, Fo Logozo, vous êtes considéré comme l’ancêtre du rap fon au Bénin. Nous vous accordons ce titre avec respect, car nous avons suivi votre engagement et votre contribution au développement du rap fon. Que peut-on espérer au final de cette vague de clashs ? Quelle plus value cela pourrait apporter ?

Fo Logozo : S’ils font tout ça sans modèle économique derrière, alors ce clash vogue vers une destination inconnue. À l’époque de Ardiess, Diamants Noirs, H2O, ou Sakpata Boys, c’était chaud. Mais au bout du compte, on organisait des événements pour capitaliser sur cette dynamique.

Aujourd’hui, il est temps d’avoir des sponsors. Actuellement, il n’y en a pas, et ce sont eux qui permettent aux promoteurs de tenir financièrement. Si malgré les tensions, les artistes et leurs équipes ne se réunissent pas pour structurer ce mouvement et le rentabiliser, alors tout cela n’aura servi à rien. Ce serait un coup d’épée dans l’eau. Le buzz sera retentissant, mais bref. J’espère que chacun pourra en tirer profit, que ce soit pour sa carrière, l’agrandissement de sa fan base, ou financièrement. Parce qu’aujourd’hui, l’argent est le nerf de la guerre. Nous, on n’a pas eu cette chance, mais je prie pour que nos jeunes frères puissent vivre de leur art sans stress et sans inquiétudes pour leur avenir.

C’est une occasion unique. Après nous, il y a eu les Diamant Noir, puis Blaaz. Mais depuis, le rap béninois n’avait pas connu une telle effervescence. Il faut qu’ils saisissent cette opportunité.

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