Ganiou Soglo : code électoral, révision de la constitution, Les Démocrates, Lehady Soglo, élections de 2026… Entretien exclusif

Africaho
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Ganiou Soglo.

Allié de Patrice Talon et artisan de son avènement à la tête du Bénin en 2016, Ganiou Soglo, fils de l’ancien président Nicéphore Soglo a rejoint quelques années plus tard, le rang des forces d’opposition au pouvoir du président béninois. Et dès lors, il n’a cessé de multiplier des critiques à l’égard du régime avant de subir une agression le 5 février 2021, alors qu’il venait de se présenter à l’élection présidentielle dont l’issue va consacrer le second mandat de Patrice Talon.

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A la suite des élections législatives du 8 janvier 2023 qui ont ainsi consacré l’entre de l’opposition au parlement avec le parti Les Démocrates, l’ancien ministre de Boni Yayi s’était quasiment muré dans une “sorte d’impartialité” qui a suscité de nombreuses interrogations sur sa position actuelle vis-à-vis de Patrice Talon, et sa lecture sur la dynamique conduite par le parti dirigé par Boni Yayi. Ce lundi 22 janvier, Ganiou Soglo est à cœur ouvert sur Africaho.

Ganiou Soglo, Ancien député et plusieurs fois ministre dans le gouvernement du président Boni Yayi.

Africaho : L’actualité au Bénin est marquée depuis quelques jours par un projet de révision constitutionnelle évoquée dans un premier temps par le président de l’Assemblée nationale puis la Cour constitutionnelle dans une décision en date du 4 janvier. Quelle est votre avis sur la question ?

Ganiou Soglo : Il faudra qu’à un moment on arrête de prendre les Béninois pour des imbéciles et être un tout petit peu sérieux puis agir comme des Hommes politiques œuvrant pour le seul intérêt du peuple. Le seul qui devrait compter. En amendant la constitution en novembre 2019, les thuriféraires du président Talon étaient conscients de ce qu’ils faisaient. Ils re écrivaient la constitution pour et au nom d’un seul homme : Patrice Talon.

Ils avaient des instructions et ensemble ont tôt fait d’écrire une loi à la mesure d’un seul homme afin que rien ne vienne contrarier ses plans de 2021 mais surtout le désir de ce dernier de vassaliser le champ politique national. Nous savions tous que cette constitution halloween n’allait pas prospérer. Dans la forme, comme sur le fond.

Vous êtes peut-être un peu jeunes mais en 1990 lors de l’adoption de la sacrosainte constitution de notre pays c’était l’affaire du pays tout entier, toutes les composantes de notre pays y ont contribué. Je peux vous assurer que Mgr I. de Souza et Maurice Ahanhanzo vont se retourner dans leurs tombes. Paix à leurs âmes.

Le Bénin a donc la recette. Tout cela n’est que de la distraction, regardons jusqu’ou il veut aller et son dessein sera une fois de plus clair. Nous devons revenir à la constitution de 1990 et mettre en place la commission idoine pour travailler là-dessus puis soumettre cela à la vox populi. Le peuple seul est souverain

Africaho : La constitution révisée en novembre 2019 par la huitième législature prévoit pourtant qu’un président ne pourra pas faire « plus de deux mandats dans sa vie ». Le gouvernement à travers son porte-parole a encore donné de multiples assurances. Qu’est-ce qui fonde si tant les doutes au sein de l’opposition selon vous ?

Ganiou Soglo : Quand lors d’une interview accordée au journal Le Monde en mai 2016, vous dites urbi et orbi je cite « ce que je fais, c’est d’abord pour moi-même, je pense à moi tout le temps… » alors que vous venez d’être élu par une majorité du peuple.  Quand vous jurez solennellement de faire de votre mandat unique une réalité ? et derrière vous êtes à près de 10 ans au pouvoir.

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Quand dans l’espace politique la parole n’a plus de valeur, il est normal qu’il ait des doutes quand vous vous engagez dans une voie. Il n’y a plus de confiance. Ce qui sort de ta bouche, tu en es le prisonnier. Les doutes sont tout simplement légitimes

Africaho : L’opposition siège depuis les législatives du 8 janvier 2023 à l’Assemblée nationale avec le parti Les Démocrates. Vous les avez vu à l’œuvre depuis leur installation. Quel est votre regard vis-à-vis de l’impact de leur appartenance à la neuvième législature et quelles sont vos attentes à leur égard ?

Ganiou Soglo : C’était déjà sur votre médium (allusion faite à l’entretien spécial télévisé accordé le 6 janvier 2023 à Bi News et Africaho, ndlr ) qu’a la veille des législatives je disais que l’organisation des élections ressemblaient à un simulacre et que cela ne valait pas la peine d’y participer. Maintenant, j’entends les personnes qui ne sont pas partisans de la chaise vide. Mais dans ces conditions il faut avoir une stratégie de conquête pour gagner. En ce qui me concerne, les démocrates n’avaient pas de stratégie pour gagner. Ils ont subi les évènements.

Je pense qu’ils avaient largement gagné ces élections législatives mais comme ils n’avaient pas de mesure de coercition ils se sont contentés des 28 députés que le pouvoir a bien voulu leur octroyer. En parlant de cela, quelqu’un a t-il lu le rapport de la CENA sur les élections législatives afin qu’on puisse en faire une analyse beaucoup plus fine pour mieux comprendre la cartographie électorale sous la rupture ?

Maintenant, ils font avec les moyens de bord, ils font avec les moyens à leur disposition. Il faut assurément les féliciter mais je n’ai pas d’attente vis-à-vis d’eux.

Le retour du président Yayi sur la scène politique donne encore plus d’allant à l’opposition. C’est indéniable.

Ganiou Soglo

Africaho : Monsieur le Ministre, l’ancien président Boni Yayi sous lequel vous avez servi en tant que ministre, a effectué un retour actif sur le landerneau politique béninois en prenant la tête du principal parti d’opposition. Est-ce selon vous, un positionnement stratégique qui fusionne avec vos projections pour les prochaines années ou juste un fait ordinaire ?

Ganiou Soglo : Je ne sais pas si je suis bien placé pour répondre à cette question. Mon père étant un ancien président, il est encore toujours actif dans la vie politique de notre pays. Personnellement, ce n’est pas comme cela que je conçois le rôle d’un ancien président. Il doit être un sage qui conseille, oriente, tempère les gens. Il est un recours.

Mais un adage populaire dit que quand tu as été mordu une fois par un serpent quand tu vois un vers de terre tu as peur. Je peux comprendre Le président Yayi qui a été éprouvé nombre de fois déjà avec les FCBE puis les démocrates dans un deuxième temps. Il a payé très cher, il a été gazé, il a connu les 52 jours d’incarcération qui ne disent pas son nom. Comme on est toujours mieux servi que par soi-même, il a préféré prendre les rênes de son parti d’autant qu’il est en plus assurément le plus gros contributeur du parti.

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Le retour du président Yayi sur la scène politique donne encore plus d’allant à l’opposition. C’est indéniable.

Africaho : Le président Patrice Talon lors de la rencontre avec les responsables du parti Les Démocrates le 27 décembre 2023, a martelé que le pardon pourrait parfois être une faute et qu’il n’envisageait pas accorder une quelconque faveur à Reckya Madougou, Joël Aïvo et les exilés politiques. Quel est l’écho que ces propos du Chef de l’Etat ont eu auprès de vous?

Ganiou Soglo : Avec l’avènement de Monsieur Talon à la magistrature suprême nombre de notions ont perdu de leur substance au Bénin : le Pardon, la parole donnée, l’amitié, le vivre ensemble et j’en passe. 30 ans après la conférence nationale, nous avons aujourd’hui des détenus politiques, des exilés politiques, l’armée qui tire sur le peuple.

Nous sommes hors sol. Opiné sur cette notion du pardon c’est se perdre en conjecture. Pour le pardon, il faut être deux.

Lors d’une rencontre de Patrice Talon (à g.) avec les maires du Grand Nokoué, le 5 mai 2017. © Présidence du Bénin

Africaho : Monsieur Ganiou, Lehady Soglo, votre frère s’est exilé à Paris depuis 2017 et fait l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par les autorités béninoises jusqu’à ce jour. Comment se porte-il ?

Ganiou Soglo : Mon frère se porte comme un charme. On rend grâce !

Africaho : La commission des lois à l’Assemblée nationale a rejeté le 3 janvier dernier, la loi portant amnistie proposée par les députés démocrates. Quelle est votre solution pour que cette loi puisse passer afin que les personnes incarcérées et les personnes en exil pour des faits liés à la politique puissent recouvrer leur liberté et rentrer chez elles ?

Ganiou Soglo : Pourquoi se cacher du soleil avec la main ? Les députés de la rupture savent que le pardon ne fait pas partie du vocable de leur chef. La seule solution est donc et reste POLITIQUE. Il faut voir ce que les démocrates auront à offrir pour obtenir la libération de nos amis Reckya Madougou et Joël Aïvo et les autres détenus.

Africaho : Vous êtes l’un des artisans de l’avènement du président Patrice Talon au pouvoir en 2016. A cette date, quelle est la nature de la relation que vous entretenez avec le président ?

Ganiou Soglo : Nous sommes 65% à avoir contribué à l’avènement du Président Talon. Je n’ai pas de relation privilégiée avec le président de la République.

Africaho : Patrice Talon boucle son second et dernier mandat en 2026. Comment entrevoyez-vous, l’après-Talon ?

Ganiou Soglo : Avec pessimisme. Pour la simple raison que le peuple sera confronté aux dures réalités du régime Talon : la gabegie financière qui a été leur modus operandi pendant 10 ans, gouffre énorme qu’ils vont laisser et que nous allons nous évertuer à renflouer pour ne pas sombrer.

Africaho : Les prochaines années risquent d’être très mouvementées au regard de l’activisme du président du parti Les Démocrates et l’effet que la fin de mandat présidentiel a toujours produit au Bénin, comme tous les autres pays d’ailleurs. Quelle est votre panacée pour le maintien de la paix ?

Ganiou Soglo : Pourquoi mouvementées ? Nous serons confrontés à une fin de régime comme partout ailleurs. Ma prière serait que nos dirigeants puissent passer la main au nouveau président comme cela à été le cas en 2016. Dieu le miséricordieux, les mânes de nos ancêtres veillent sur le Bénin.

Africaho : Merci Monsieur le Ministre !

Ganiou Soglo : Merci à vous de même !

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