L’économie allemande, longtemps perçue comme le moteur de la zone euro, fait face à une nouvelle menace de récession en 2024. Entre la baisse des exportations, la crise énergétique et la faiblesse de la demande intérieure, plusieurs signaux préoccupants laissent présager un ralentissement durable de la première économie européenne.
Après avoir évité de justesse la récession à la fin de l’année 2023, l’Allemagne semble désormais s’y diriger en 2024. Plusieurs indicateurs macroéconomiques suggèrent un recul continu de l’activité économique, aggravé par des facteurs structurels et conjoncturels qui plongent le pays dans une période d’incertitude.
En effet, traditionnellement basée sur ses exportations industrielles, l’économie allemande souffre du ralentissement de la demande mondiale, notamment en Chine, un partenaire commercial clé. La guerre en Ukraine a aussi bouleversé les marchés européens, ce qui perturbe les chaînes d’approvisionnement en matières premières et énergie, essentielles aux secteurs industriels allemands.
Les exportations, notamment dans l’automobile, la chimie et la mécanique, se sont contractées au cours des premiers mois de 2024. Les ventes de voitures, secteur phare, ont chuté à des niveaux historiquement bas, en grande partie à cause d’une baisse des commandes venues de Chine et des États-Unis, deux des plus gros importateurs de véhicules allemands. L’industrie chimique, également touchée par la hausse des coûts de l’énergie, connaît des difficultés sans précédent.
Crise énergétique
L’une des principales causes de cette récession imminente est la crise énergétique qui frappe le pays depuis l’arrêt des importations massives de gaz russe. En 2022, le gouvernement allemand avait réussi à éviter une catastrophe énergétique en multipliant les achats de gaz liquéfié (GNL) et en développant rapidement les énergies renouvelables. Cependant, en 2024, les prix de l’énergie restent élevés, ce qui pénalise non seulement les ménages, mais aussi les entreprises, en particulier dans les secteurs à forte intensité énergétique comme la métallurgie et la chimie.
L’impact des coûts énergétiques sur la production industrielle est visible dans la baisse de la compétitivité des produits allemands à l’international. En effet, les entreprises peinent à répercuter ces coûts sur les prix finaux, ce qui affecte gravement leurs marges et leurs perspectives de croissance.
Parallèlement, la consommation des ménages allemands, autre pilier de la croissance, montre des signes de faiblesse. L’inflation, bien que modérée par rapport à 2022, reste élevée, réduisant le pouvoir d’achat des ménages. Les augmentations salariales ne parviennent pas à suivre l’inflation, tandis que la hausse des taux d’intérêt pèse sur le crédit à la consommation et les investissements dans l’immobilier. Cette situation est également aggravée par une hausse du taux de chômage, bien que celui-ci reste contenu par la politique de soutien de l’État.
Les défis structurels de l’économie allemande
En plus des difficultés conjoncturelles, l’Allemagne est confrontée à des défis structurels qui rendent sa sortie de crise encore plus compliquée. Le vieillissement de la population, avec une main-d’œuvre de plus en plus réduite, freine la productivité du pays. De plus, la transition écologique, avec la fermeture progressive des centrales à charbon et nucléaires, ajoute une pression supplémentaire sur les entreprises pour s’adapter à un nouveau modèle énergétique.
La transition numérique, pourtant nécessaire pour maintenir la compétitivité de l’Allemagne, progresse trop lentement dans plusieurs secteurs-clés. Les petites et moyennes entreprises, qui forment l’épine dorsale de l’économie allemande, ont du mal à suivre le rythme des investissements requis dans la digitalisation, ce qui accroît encore plus le retard face à des concurrents mondiaux plus agiles.
Des mesures de soutien en préparation
Conscient des risques, le gouvernement allemand, sous la direction d’Olaf Scholz, élabore une série de mesures pour éviter une récession prolongée. Parmi les pistes évoquées figurent de nouvelles aides aux entreprises énergivores, une accélération de la transition écologique avec des incitations fiscales, et des investissements massifs dans les infrastructures numériques et les énergies renouvelables.
Par ailleurs, la Banque centrale européenne (BCE) pourrait revoir sa politique de hausse des taux d’intérêt pour éviter de freiner davantage l’économie allemande. Une réduction des taux pourrait soutenir l’investissement et stimuler la consommation, mais cela ne résoudra pas les problèmes structurels auxquels le pays fait face.
Vers une sortie de crise incertaine
Alors que la récession se profile, la question reste à savoir si l’Allemagne pourra rapidement redresser la barre ou si elle plongera dans une crise plus profonde et durable. Les solutions de court terme, comme les aides d’urgence et les subventions, permettront-elles de relancer l’économie, ou faudra-t-il une refonte complète de certains secteurs pour assurer une reprise durable ?
La première puissance économique européenne entre dans une période d’incertitude, et sa capacité, à surmonter ces défis déterminera non seulement son avenir, mais aussi celui de la zone euro tout entière.