L’homme est soumis au temps. Il agit dans le temps, le temps pouvant être son allié ou son ennemi. Mais qu’est-ce que le temps ?
C’est une entreprise bien ambitieuse que de vouloir définir le temps. Comment une réalité finie peut-elle en saisir une autre infinie ? Le temps en tant que tel est insaisissable pour l’homme. Cependant, l’homme, par sa capacité à se penser et à penser son monde, arrive à penser le temps comme une donnée objective. Cette capacité se traduit souvent par des discours qui révèlent le rapport de l’homme au temps :
« Je n’ai pas le temps », pourtant chaque journée compte 24h, et chaque semaine compte sept jours pour tout le monde.
« Le temps c’est de l’argent », pourtant à faire l’hypothèse que l’oisif est celui qui a le plus grand temps à perdre, ces temps ne remplissent pas forcément son compte en banque d’argent.
« J’ai tout mon temps », pourtant la minute d’après est dans la réalité une nébuleuse pour l’homme.
« Mon agenda est très chargé », pourtant un seul aléa survient et voici tout l’agenda à l’eau.
La Covid-19, en 2020, a réussi à bouleverser tout l’agenda du monde en fermant stades, aéroports et salles de conférence. Il est tout aussi surprenant de voir une personne qui avait hâte d’atteindre une destination, prendre tout son temps, peut être malgré elle, pour attendre les formalités de la police lorsque survient un incident ou un accident de route. Le temps se révèle ainsi assez fluctuant et difficile à appréhender.
Le génie de l’homme a tout de même réussi à encadrer le temps. L’homme distingue ainsi le temps selon les saisons, selon les climats, selon les évènements et selon les différents rythmes de la vie. Les savants Grecs ont déjà à l’antiquité réussi à ordonner le temps en trois types. Le temps Chronos, qui est le temps physique et objectif, le temps que l’homme mesure en seconde, minute et heure. Il lui permet d’organiser le temps en passé, présent et futur. Le temps Kairos, qui correspond à un temps métaphysique. C’est le temps T qui correspond au bon moment où quelque chose doit se passer, pas avant, pas après. C’est le temps qu’on pourrait appeler le temps de Dieu. Le temps Aiôn qui lui est le temps cyclique pour expliquer par exemple les saisons.
Mais pour faire plus simple, parler du temps n’est-il pas au final parler de notre vie et de son contenu. Parler du temps revient en effet à parler de notre existence qui se déroule dans le temps. « Ce que l’on fait de notre temps, c’est ce que l’on fait de notre vie » a rapporté Julie Duperray. Le temps c’est le contenu de l’existence de l’homme. Ce contenu est ouvert le jour de sa naissance et fermé le jour de sa mort. Pris individuellement donc, le temps se résume en ces activités construites à l’intérieur de l’espace vie de l’homme.
Par conséquent, nous n’avons de temps que le temps de notre vie qui en définitive n’est qu’une parenthèse dans le grand espace-temps. C’est justement cette vie encadrée par une parenthèse temporelle qui fait que l’homme ressent la pression du temps. Simone Weil dira que « le temps, par son cours, use et détruit ce qui est temporel. »
Depuis le jour où il naît, la conscience de la mort rappelle à l’homme que le moment vient où la fin sonnera. Ce moment de fin est en dehors de son contrôle. Il ne connaît ni le jour, ni l’heure, ni le lieu. Il sait juste que ce moment de fin est vrai, réel et imminent. La mort en effet n’a pas besoin d’être prouvée. Son souffle est ressenti au quotidien comme le souffle de la brise. Au milieu du doute de la vie se trouve la certitude de la mort.
Pour finir, définir le temps prend sens dans notre rapport au temps. Ce rapport est lié à la limite temporelle de la vie. Le temps revient ainsi à cette fluidité qui enveloppe l’homme, dans laquelle il nage avec plus ou moins d’assurance, et qui lui fait ressentir que sa propre existence lui échappe, lentement mais fatalement.
Tout le temps, le temps fait son décompte à l’intérieur de chaque répartition individuelle du temps. Cette répartition ne dépend de personne. Elle est en dehors de tout contrôle humain. Soumaïla Cissé, chef de file de l’opposition malienne mort le 25 décembre 2020, avait son agenda dans le temps. Mais son temps avait une limite dans le temps. Et pour finir, comme ironie de la vie, nous aurons tous le temps de mourir.
Cyriaque Dekenou