Depuis Cotonou, la capitale économique du Bénin, une lueur d’espoir est apparue mercredi 24 juillet dans les relations autrefois tendues entre le Bénin et le Niger. À la suite d’une médiation personnelle des anciens présidents Boni Yayi et Nicéphore Soglo à Niamey, une délégation nigérienne dépêchée à Cotonou a pu s’accorder sur des résolutions annonciatrices d’un dégel de la crise. Cette démarche a réussi à faire avancer le dialogue et à désamorcer une crise diplomatique qui continuait de s’aggraver, emportant dans son flot, de lourdes conséquences enregistrées sur les plans économique, social, diplomatique voire politique.
Alors très critiqués dans leur pays pour une initiative prise dans un climat de méfiance entre le Bénin et le Niger, Boni Yayi et Nicéphore Soglo semblent s’être bien “entêtés”. Depuis le coup d’État du 26 juillet 2023 qui a renversé le président Mohamed Bazoum au Niger – nul besoin de le rappeler – les relations entre Cotonou et Niamey se sont détériorées rapidement. Accusations mutuelles et tensions croissantes ont dominé le paysage diplomatique, exacerbées par des affirmations du Niger concernant une prétendue présence de bases militaires françaises sur le territoire béninois, accusées de préparer une attaque contre le Niger.
Dans ce contexte tendu, ces prédécesseurs de Patrice Talon ont pris l’initiative de jouer un rôle de médiateurs. En dépit des critiques qui fusaient de toute part, et principalement des soutiens du régime au pouvoir, le tandem Yayi-Soglo a orchestré mardi 25 juin à Niamey, une mission de médiation de haute importance en dialoguant directement avec le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) dirigé par le général Abdourahamane Tiani. Cette opération a élevé le niveau des négociations entre les deux parties suffisamment tendues, l’une contre l’autre au regard des accusations et des répliques adressées çà et là. Les pourparlers, caractérisés par une approche pragmatique et une volonté de compromis, ont alors permis de réduire les tensions et de préparer le terrain pour une résolution constructive de la crise.
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Les efforts du tandem Yayi-Soglo ont conduit à une rencontre inespérée le 22 juillet, lorsque le général Tiani a dépêché une délégation à Cotonou pour discuter directement avec le président béninois Patrice Talon, une fois encore en leur présence. Ce dialogue, qui a eu lieu au Palais de la Marina mercredi 24 juillet au terme du Conseil des ministres, a débouché sur des résolutions.
Le Bénin, sur la supposée présence de bases militaires françaises sur son territoire, a, dans une approche d’assurance, proposé à la délégation nigérienne, une visite guidée visant à faire constater de visu, la caractère infondé des accusation du Niger, entérinées ensuite par le Burkina Faso. Ce qui aux yeux des observateurs avertis a d’ailleurs, déclenché la volonté des autorités nigériennes de désamorcer les tensions et de poser les bases d’un apaisement durable. « A mon niveau, c’est une mission très positive. C’est une mission qui a atteint ses objectifs », avait particulièrement indiqué dans un reportage la télévision nationale du Niger, le général de brigade Mohamed Toumba, chef de la délégation nigérienne à Cotonou.
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Des critiques internes face à une diplomatie efficace
Malgré le succès apparent de la médiation, le tandem Yayi-Soglo ont du faire essuyé des critiques à Cotonou. Certains observateurs et responsables politiques ont notamment reproché à ces anciens présidents d’avoir pris des initiatives unilatérales sans consulter l’exécutif béninois. D’autres – des soutiens avérés du président Patrice Talon – ont reproché aux deux anciens présidents, “l’absence de communication” à laquelle ils ont opté à leur retour de Niamey. C’est le cas par exemple de Victor Topanou, député de l’Union Progressiste le Renouveau. « Ce que je regrette, c’est le silence de ces deux présidents. Je regrette qu’il n’a pas eu de communication », va-t-il relever dimanche 21 juillet dans l’émission Zone Franche de Canal 3 Bénin.
Cependant, les résultats tangibles de leur mission de médiation ne peuvent être ignorés. L’amélioration des relations entre le Bénin et le Niger pourrait de facto connaitre un premier impact : la réouverture de la frontière du Niger avec le Bénin. Cela va d’ailleurs conduire à une stabilisation régionale nécessaire, surtout après une crise qui a causé des souffrances considérables aux populations et d’énormes pertes sur le plan économique. Selon Voa Afrique, le corridor béninois accueillait 80% du fret nigérien via le port de Cotonou avant la fermeture des frontières qui faut-il le rappeler, est l’une des sanctions prises à l’époque par le CEDEAO.
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Objectivement, on peut alors s’accorder sur l’évidence selon laquelle, la volonté affichée par le général Tiani et ses hommes de réduire les tensions et d’engager un dialogue constructif est un signe positif que les efforts de Boni Yayi et Nicéphore Soglo ont porté leurs fruits. Le rôle de médiateur joué par les deux hommes démontre la puissance de la diplomatie non institutionnelle en période de crise. Et sous nos cieux en Afrique, une maxime nous enseigne le rôle combien important des patriarches dans les familles.
Et même si dans le cas d’espèces, aucune comparaison n’est à faire avec la famille au plan social, les deux anciens présidents semblent bien s’être acquittés de leur devoir d’ainé au sein de la classe politique au Bénin. La balle est maintenant dans le camp du général Abdourahamane Tiani qui devra davantage s’arrimer à l’approche de Patrice Talon qui manifestement, a déjà embrayé dans le bon sens, pour des relations beaucoup plus apaisées entre son pays et le Niger.